NASCAR participe cette année aux 24 Heures du Mans, la plus importante course d’endurance automobile au monde. Après un ultime galop d’essais sur le circuit de Sebring en ce début de semaine, les deux voitures (celle de course et une de réserve) vont quitter dans les prochains jours le continent nord-américain pour la France, en prévision de l’événement. Le verdict de la piste les 10 et 11 juin prochains est désormais attendu…

Intégrée au projet "Garage 56" conçu par les organisateurs des 24 Heures, la Camaro No.24 (l’un des numéros historiques de Hendrick Motorsports) basée sur les voitures de la série NASCAR Cup, est préparée selon toutes les règles de sécurité applicables à la course, mais sans pour autant satisfaire aux règles sportives d’une classe (Hypercar, LMP2 ou GTE) actuellement en vigueur au Mans.

Le concept Garage 56 ajoute une seule voiture aux 55 voitures inscrites normalement chaque année. Un nombre qui est monté à 62 inscrits ces dernières années. Cette catégorie à véhicule unique été créée pour permettre la venue en course automobile et surtout aux 24 Heures du Mans de voitures de nouvelles technologies ou encore proposant un concept novateur au niveau de son engagement. Sans oublier la performance, on recherche ainsi des participants démontrant le potentiel "vert" ou inclusif d’un projet, à l’image du prototype LMP2 à conduite spéciale engagé il y a quelques années pour un pilote quadri-amputé.

Dans le cas de cette association avec NASCAR, l’objectif est cette fois d’offrir un banc d'essai pour sa future technologie et, peut-être, tout aussi important, une exposition à un nouveau public. « En tant que sport, nous essayons de trouver des solutions uniques et différentes qui nous distinguent des autres » a déclaré Steve Phelps, président de la NASCAR. « Je pense que c'est exactement ce que nous faisons. C'est ce que cette opportunité représente. De plus, nous avons une série en Europe appelée Whelen Euro Series et ce projet ajoutera à sa popularité afin de franchir un nouveau palier » a-t-il ajouté.

La participation au projet présente des risques dans un milieu aussi exigent : concurrence, longue épreuve, toujours pousser au maximum afin d’éviter le ridicule, risque d’accident qui gâcherait tout, et exposition aux pannes et aux découvertes de faiblesses si la nouveauté ne livre pas la marchandise, comme certains items qui ont passé par ce programme pour ensuite disparaître.

Par exemple, la voiture électrique considérée par certains comme essentielle à l’avenir de l’automobile n’est pas encore passée par le Garage 56, l’état global du projet mettant encore trop en évidence ses défauts et larges faiblesses. Le premier grand fabricant à s’engager via le Garage 56 avec des solutions réalistes grâce à de vraies avancées techniques en créant une voiture loin de ce qui est proposé aujourd’hui, incluant les aspects politiques mondiaux, fera preuve de courage exceptionnel.

La voiture Garage 56 pour 2023, parrainée par General Motors, propose le fruit d’un travail de partenariat composé de Hendrick Motorsports, Chevrolet, Goodyear et NASCAR. Elle est basée sur la nouvelle voiture de série NASCAR Cup, la Next Gen lancée en 2022. Elle utilise un châssis multitubulaire, un V8 Chevrolet R07 de 358 pouces cube, une carrosserie en composite, avec injection et allumage électronique, une boîte séquentielle à 5 rapports intégrée au différentiel et à la suspension arrière indépendante. Autant dire qu’elle est à certains égards éloignée de la véritable voiture de série Cup, d’autant qu’elle a évidemment tout le dispositif de lumières avant et arrière obligatoire en Endurance et inexistant dans les séries NASCAR.

L’équipe technique travaille depuis plus d’une année à déterminer et valider les autres paramètres techniques et composantes importantes : l’adéquation puissance/ couple/ endurance/ fiabilité du moteur, les réglages de base des amortisseurs-ressorts-garde au sol, la forme aérodynamique de l'ensemble, la robustesse et les rapports de la boîte, l’éclairage, les radiateurs, les ailerons et la ventilation, les réglages pour la pluie, etc.

Mike Rockenfeller, ancien pilote Audi et ex-champion du monde d'Endurance, agit comme premier pilote pour les essais en continu sur piste et en simulation, assisté par un ou deux autres spécialistes en la matière. En plus de Rockenfeller (vainqueur dans des courses de 24 heures au Mans, à Daytona et au Nürburgring), on retrouve parmi les pilotes titulaires Jimmie Johnson (83 victoires et 7 titres en série NASCAR Cup) et Jenson Button (15 saisons et 15 victoires en 306 participations en F1, champion du monde en 2009). Jordan Taylor, pilote officiel Corvette en championnat IMSA WeatherTech Sportscar, agit comme pilote de réserve et capitaine de l’équipe en piste. Taylor a remporté les 24 heures du Mans en classe GTE Pro en 2015 et est quatre fois champion dans la série reine de l’IMSA.

Lors deux journées complètes d’essais de la voiture sur la longue piste bosselée de Daytona (Floride) début février, toute l’équipe a pu se retrouver dans les conditions de course, en piste comme dans les puits et les garages. Des relais de 30 à cinquante tours ont permis de faire les premiers essais puis de suivre l’évolution de la performance, des réglages et de l’usure de toutes les composantes de la voiture.

Les pilotes ont apprécié le comportement de la machine, le confort des sièges, l’effet réel des petits changements de réglage pour aider à trouver le compromis acceptable pour tous les pilotes et les chronos enregistrés par rapport aux autres voitures attendues au Mans.  Toute l’équipe est ensuite allée sur d’autres pistes, dont Sebring à deux reprises, pour finaliser les réglages de base avant le départ pour la France.

Pour Chad Knaus, l’ancien chef d’équipe de Jimmie Johnson en série NASCAR Cup et maintenant directeur des opérations du projet, tout s’est bien passé et il se dit satisfait des essais mais encore loin du résultat désiré : « Un beau projet » selon lui ! Pour tout dire, lors des premiers essais à Daytona et Sebring, la voiture a réalisé des performances inférieures aux voitures de classe GTE, ce qui a fait craindre à certains observateurs qu'elle se retrouve… dernière sur la grille de départ.

Depuis, les choses ont beaucoup progressé. N’étant pas contrainte de suivre le règlement GTE, la NASCAR Cup du Mans devrait ultimement se retrouver au milieu de ce peloton très compétitif de voitures GT. Les longues lignes droites du circuit du Mans devraient aussi aider sa cause. Pour le reste, réponse sur la piste en juin prochain…