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Rétro 1980 : Patrick Tambay gagne dans la douleur en série Can-Am au GP de Trois-Rivières

Rétro 1980 : Patrick Tambay gagne dans la douleur en série Can-Am au GP de Trois-Rivières

Mercredi 29 novembre 2023 par René Fagnan
Crédit photo: René Fagnan

Crédit photo: René Fagnan

Le Français Patrick Tambay était un ami proche de Gilles Villeneuve. Les deux se sont rencontrés sur les circuits nord-américains, s’affrontant en Formule Atlantique ainsi qu’en série Can-Am.

S’ils appréciaient les petites monoplaces de Formule Atlantique, Tambay et Villeneuve adoraient les barquettes de type Can-Am : grosses voitures, moteurs Chevrolet 305 pouces/cubes de plus de 600 chevaux, énormes pneus lisses, aérodynamique simple et une sonorité d’enfer !

Il est vrai que Gilles Villeneuve n’a pas piloté une bonne voiture de Can-Am. C’était la pire de toutes en vérité ; la Wolf-Dallara WD1, un bolide doté d’une tenue de route diabolique. Tambay, lui, avait été sacré champion de la série Can-Am en 1977 au volant d’une Lola T333 CS-Chevrolet de l’écurie Carl Haas.

Après deux saisons décevantes en Formule 1 avec l’écurie McLaren sur le déclin, Tambay décide de revenir courir en Can-Am avec Carl Haas en 1980, mais cette fois aux commandes d’une Lola monstrueuse T530 à moteur Chevrolet.

Patrick récolte quatre victoires consécutives, puis gagne à nouveau à Brainerd avant de venir participer au Grand Prix de Trois-Rivières. Outre les ténors de la série, les Québécois Cliff Dawson (Brabham-BT48B 2 litres), Bob Roy (March 744 2 litres) et Michel Prévost (Lola T212 2 litres) participent aussi à l’épreuve trifluvienne.

Samedi, durant les qualifications de la série Can-Am, les choses tournent dramatiquement mal pour le pilote britannique Stephen South. Accélérateur bloqué ouvert, la Lola T333CS de South tape de front contre le mur de béton appuyé contre un gros tas de terre. South est grièvement blessé et doit être amputé de sa jambe gauche, sous le genou.

Une procédure de départ chaotique

Par une chaleur étouffante, Patrick Tambay inscrit la pole position en 1’25”227 devant la Prophet-Chevrolet de Bobby Rahal (1’26”055), un autre ancien rival de Gilles Villeneuve. Le peloton de 18 voitures effectue son tour de chauffe, mais les dernières voitures ne sont pas bien rangées. Le commissaire au départ (nous tairons son nom) tient les drapeaux vert et jaune. Son adjoint agite un jaune pour signaler aux concurrents qu’ils devront effectuer un autre tour de chauffe. Rahal commence pourtant à accélérer tandis que Tambay conserve une basse vitesse. Le commissaire fait signe “non” de la tête. Rahal accélère encore et contre toute attente, le vert est agité et le départ est donné !

Rahal possède déjà une belle avance quand il négocie le virage 1. Tambay, lui, est en furie. D’ailleurs, le commissaire au départ sera suspendu pour une durée de six mois pour son geste qui aurait pu causer un gigantesque carambolage au premier virage.

Tambay, qui roule en seconde place, observe que Rahal freine très tôt dans les virages. Quand il raconte sa course dans le livre “Patrick Tambay, pilote & gentleman”, Tambay se dit que, sachant que la course était très longue et dure sur les freins, Rahal a dû faire installer des plaquettes de freins non rodées pour la course. Le Français double Rahal durant le deuxième tour, mais quelques virages plus tard, son levier de vitesses casse net !

Le pommeau lui reste dans la main droite ! Il le place entre ses jambes et change de vitesses avec ce qui reste de la tige filetée qui ne mesure que cinq ou six centimètres. En passant devant les puits, Tambay lance le pommeau en direction de ses mécanos dans les puits afin qu’ils sachent quoi faire s’il s’arrête durant la course.

« Au fil des tours le bout de tige m’entaillait la paume de la main. J’avais de plus en plus de mal à changer des rapports » raconte Tambay dans sa biographie. « J’ai eu du mal à sélectionner un rapport dans un virage et je suis parti en tête-à-queue. Je suis vite reparti, mais Rahal m’a doublé et Al Holbert [son principal rival dans la course au titre] a refait son retard ».

Tambay, qui a vite repris la piste, ne voit toutefois pas Rahal entrer dans les puits pour faire changer son aileron arrière qui n'est plus solidement fixé à la voiture, ce qui nécessite 70 secondes de travail. Patrick croit alors qu’il roule en seconde place derrière Rahal, mais devant Holbert.

L’écart entre Tambay et Holbert est d’abord de sept secondes, puis il chute à cinq, puis à quatre. Tambay a de plus en plus de mal à changer les vitesses avec un tout petit bout de tige métallique qui lui creuse la paume de la main. « Ma main me faisait atrocement souffrir. Le bout de tige commençait à percer mon gant » précise-t-il.

Durant les derniers tours, Holbert, au volant de sa CAC-1 Chevrolet, lève le pied afin de ménager ses freins. Mais Tambay croit toujours qu’il est deuxième derrière Rahal. Les mécanos ne peuvent communiquer avec lui qu’avec le panneau en bord de piste. Et ils n’ont jamais signalé à leur pilote qu’il était bel et bien premier…

Ainsi, après 41 tours de course, Tambay croise l’arrivée et croit toujours être second. Il constate que les gens le félicitent. Quand il s’extrait du cockpit, on lui confirme qu’il est bien premier. Holbert termine en seconde place à trois secondes du Français.

Bob Roy de Montréal se classe en septième place, un rang devant Cliff Dawson tandis que Miche Prévost a abandonné au premier tour à la suite d’un accident.

Tambay a récolté le titre de la série Can-Am en 1980, son second, et est retourné courir en F1 en 1981 pour les écuries Theodore et Ligier avant de piloter pour Ferrari et enfin gagner en F1.