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Entrevue Michaël Tissier : Entre Formule 1, rallye et endurance (Partie 1)

Entrevue Michaël Tissier : Entre Formule 1, rallye et endurance (Partie 1)

Dimanche 27 décembre 2020 par Philippe Laprise
Crédit photo: Archives Michael Tissier

Crédit photo: Archives Michael Tissier

Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de discuter avec quelqu’un qui a travaillé avec Prost GP et Toyota en Formule 1, mais aussi en rallye-raid, en WRC et au Mans et qui habite maintenant au Québec. Nous vous présentons donc aujourd’hui un portrait en deux parties de Michaël Tissier, Français d’origine qui applique maintenant ses compétences de gestion d’équipe performante à développer des véhicules "side by side" chez BRP à Valcourt...

Michael, à quand remonte ton intérêt pour la course automobile ?

À l’adolescence, à 12-13 ans, l’envie de conduire une auto a commencé à me prendre. C’est là où j’ai commencé à m’intéresser au sport automobile, je lisais des revues, je regardais des émissions spécialisées à la télé en France, ça s’appelait Auto-Moto. Ça faisait un résumé de tout ce qui se passait dans le monde en course, c’est venu comme ça. Mon intérêt principal était pour le rallye.

En Europe, Il existe une grande quantité d'événements (course de côtes, Formules de promotion).  As-tu eu la chance d’assister à ces événements étant jeune ?

Le premier évènement que j’ai vu est un gymkhana, et ensuite du rallycross au circuit près de chez moi, qui appartenait à Jean-Pierre Beltoise. C’était tout un spectacle auquel j’assistais des estrades. Des autos qui glissaient, qui s’accrochaient, c’était vraiment bien. 

Est-ce que déjà à l’époque tu avais de l’intérêt pour aller voir les pilotes et leurs machines dans les paddocks ou c’était plutôt comme spectateur ?

C’était vraiment comme spectateur à l’époque. J’avais un intérêt pour le sport auto, mais c’était vraiment le pilotage qui m’intéressait. Beaucoup plus que travailler dans une équipe, ce qui est venu plus tard. Pendant plusieurs années, mon rêve était de piloter une auto en rallye. Dès que j’ai eu mon permis, je me suis bricolé une vieille auto et avec des amis, on allait rouler dans des champs, des carrières ou des chemins de terre. On essayait de trouver des terrains de jeux. Je faisais quelques ajustements de hauteur de caisse, je trouvais des pièces dans les centres de recyclage, je m’amusais.

En es-tu venu à te préparer une voiture de compétition et participer à des épreuves ?

Dans la région où j'étais (j’ai grandi près de Paris), il y avait des courses sur circuit, mais pas beaucoup de rallyes. Pour trouver une voiture dans cette région, il fallait faire pas mal de kilomètres. Peut-être que ma passion n’était pas aussi extrême pour que je fasse ces sacrifices. Aussi, mes parents se sont séparés quand j’avais 17 ans, j’ai dû travailler et ça m’a fait réaliser que pour gagner de l’argent, ça prenait de l’effort. À cet âge, je n’étais pas prêt à sacrifier mon temps et mon argent pour faire du sport auto. Et bien sûr à l’époque, je voulais devenir champion du monde de rallye, et j’avais regardé pour acheter une auto (Peugeot 205) avec un train de pneus et quelques pièces de rechange. J’aurais aimé rouler en Groupe N, qui est très proche d’une voiture de série. La voiture presque complètement d’origine, avec seulement une cage et un filtre à air de type K&N et des plaquettes de frein plus performantes. Mais finalement, je me suis plutôt amusé à rouler dans les champs. Je me souviens d’avoir fait un stage chez Renault et à l’époque, je roulais dans une vieille Talbot Horizon que j’avais modifié moi-même, je m’étais crashé, j’étais arrivé au travail avec l’avant complètement défoncé, c’était assez drôle ! Tout ça pour dire que j’ai peut-être eu peur de faire le pas, de faire les sacrifices. La passion est restée, mais la réalité a pris le dessus ! J’ai fini par accepter que je ne serais pas pilote...

Et quand as-tu réalisé que tu voulais en faire une carrière en course auto ? 

Ça a pris du temps. J’ai commencé à travailler dans une compagnie qui s'appelait Hobbycar, et qui était née d’un ingénieur très original, qui avait roulé sa bosse aux USA, et qui avait le projet de faire un véhicule amphibie. Il avait dans ses relations un ami assez riche qui investissait dans son projet.  On faisait affaire avec un sous-traitant basé dans la ville de Mans, qui s’occupait du châssis, de la transmission et du packaging. Je m’occupais de la partie propulsion marine, direction et freins. Le sous-traitant était l’ex équipe Rondeau. Jean Rondeau avait monté une équipe pour faire les 24h du Mans.  Ils ont d’ailleurs gagné dans les années 1980. J’ai été travailler avec cette équipe, menée par Philippe Beloou qui habitait sur le circuit. On était à quelques dizaines de mètres de la piste. J’ai des souvenirs incroyables où on voyait les essais de soir un peu avant la course. C’est là que j’ai vu que je pourrais travailler en sport automobile. Je leur ai aidé comme mécanicien au prologue des 24 Heures du Mans. Dans l’atelier, il y avait des Formule Renault, de marque Alpa et ils ont battu Martini au championnat. Ces gens sont aussi à l’origine de la marque Venturi et aussi le Venturi Trophy, du type clé en mains.  Les gens fortunés se présentaient à la piste avec casque et combinaisons, et pouvaient se concentrer sur le pilotage.  Dans le stationnement, il y avait une Lamborghini Diablo, une Porsche 959, une Ford GT40, et les gars allaient s’amuser.

Quelles études as-tu fait pour trouver cet emploi ?

J’ai fait un diplôme en génie mécanique et j’ai trouvé une job en faisant un stage. Je faisais surtout de la conception. On était 2 dans le bureau d’études, je développais plusieurs systèmes, j’ai beaucoup appris et on testait nous-mêmes le véhicule. On testait le véhicule sur route et dans l’eau.

Vers quelle équipe ton cheminement t’a ensuite amené ?

C’est l’amour qui m'a fait changer de milieu. J’ai rencontré ma conjointe, et elle habitait dans la région Parisienne. J’ai été travailler pour Matra, qui développait et fabriquait le Renault Espace. J’ai fait un contrat de 6 mois avec eux. Matra nous fait penser à la course, la F1 et les 24 Heures du Mans, donc il y avait un petit lien avec le sport auto. Mes stages chez Renault m’ont fait réaliser que l’automobile de grande série n’était pas faite pour moi. Les cycles de développement sont longs, tu as peu d’impact sur le produit, tu es encadré avec des règles très strictes, la passion ne transpire pas dans ce produit-là... Je préfère les petites structures. J’ai ensuite passé quelques temps chez Citroën, à développer une auto pour le Paris-Dakar. L’auto était une ancienne Peugeot 205 turbo, qui avait évolué en 405, et avait été recarrossée en Citroen. J’ai développé les pièces du poste de pilotage. J’ai aussi travaillé sur la suspension et le châssis.

Après l’aventure rallye-raid, tu as ensuite goûté au WRC ?

Oui. Comme Citroën Sport gagnait tout en rallye-raid, la fédération a changé les règlements pour sortir ce manufacturier du championnat. Citroën a donc décidé de se lancer en WRC. C’est là que je me suis spécialisé en suspensions. J’ai développé toute la suspension arrière pour la voiture. Mais la direction de Citroën a dit non à cause des coûts pour engager 4 voitures. Le projet a été revu et on est plutôt allés en Groupe A 2RM, pour concurrencer les kit cars. Mais ça restait une grosse structure à mon goût. Un des collègues avait des contacts en F1, je lui ai demandé s’il pouvait me mettre en relation avec quelqu’un, et il m’a mis en liaison avec l’équipe Ligier.  Je suis parti travailler à Magny-Cours en 1996, quand Olivier Panis venait de gagner Monaco avec une Ligier. J’ai été chez Ligier (et Prost GP) jusqu’en 2002. Quand je suis arrivé, on était seulement 85 personnes à travailler dans l'équipe. J’ai beaucoup travaillé, c’était un bel apprentissage. À cette époque, ce nombre représentait la quantité de personnes qu’une équipe de pointe amenait au circuit pour un weekend de course !

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