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Rétro 1978: La minuscule équipe de Tico Martini tente sa chance en F1

Rétro 1978: La minuscule équipe de Tico Martini tente sa chance en F1

Mercredi 1er octobre 2025 par René Fagnan
Crédit photo: Galeron

Crédit photo: Galeron

Renato "Tico" Martini, artisan de grand talent, a fondé la firme Automobiles Martini en 1965 et a produit des monoplaces de Formule France, Super Vee, Formule Renault, F3 et F2 avant de s’attaquer fin 1977 à son projet le plus fou : celui de construire une voiture de Formule 1. Les voitures Martini étaient bien conçues, efficaces, rapides et elles ont remporté de nombreux titres dans les catégories énumérées ci-haut, notamment 21 titres de champion de France de Formule Renault et des championnats de F2 avec Jacques Laffite en 1975 et René Arnoux en 1977.

Comme tout pilote de circuit routier rêve un jour de courir en F1, Martini aspire à produire une monoplace de Grand Prix. Courant 1977, "Tico" et son partenaire Hugues de Chaunac (patron d’ORECA, la structure qui fait courir les Martini d’usine) discutent du projet avec François Guiter, le grand patron du service compétition de la pétrolière française Elf. Deux partenaires sont trouvés pour financer cette aventure : RMO (société de travail temporaire, commanditaire personnel de René Arnoux) et Silver Match (des briquets).

Si Martini, Chaunac et la vingtaine de mécaniciens possèdent une vaste expérience en design de voitures de compétition, ils ne connaissent à peu près rien de la F1. Pour eux, c’est le plongeon dans l’inconnu. Martini dessine une voiture hyper simple qui s’inspire de la Williams FW06 de Patrick Head. La MK23 est un "kit car" avec un châssis en panneaux d'aluminium rivetés, un moteur atmosphérique V8 Ford Cosworth DFV auquel est boulonné une transmission Hewland FGA400 à cinq rapports.

La Martini F1 est dévoilée dans les locaux du journal Dauphiné Libéré à Grenoble le 6 janvier 1978 et Arnoux effectue les premiers tours de la MK23 sur le tracé de Magny-Cours le 15 février par un froid glacial. Le moteur Cosworth hoquette sans arrêt, et l’équipe croit, à tort, que c’est à cause du froid.

Il s’en suit quelques autres séances d’essais, mais puisque Arnoux n’a jamais piloté une F1 auparavant, ses commentaires techniques sont limités. La voiture, De Chaunac, Arnoux et quatre mécanos se rendent à Johannesburg pour y disputer le Grand Prix d’Afrique du Sud le 4 mars. Pourquoi une telle économie ? Simplement parce que la microscopique écurie dispose d’un budget ridiculement bas.

Arnoux doit se débrouiller avec peu de moyens

Sans avoir accès aux véritables chiffres, des sources bien informées parlent d’un budget total pour la saison d’un million de francs de l’époque, soit 627 000€ en monnaie actuelle (ou un million de dollars canadiens). Pour toute la saison 1978, Arnoux n’a droit qu’à un châssis, deux moteurs et deux boîtes de vitesses.

Sur le circuit de Kyalami, le Cosworth pétarade sans arrêt, victime d’un circuit d’alimentation en essence déficient et Arnoux ne se qualifie pas. Deux semaines plus tard, Arnoux se qualifie au 14e rang pour le BRDC International Trophy à Silverstone, une course hors-championnat. Mais face à des soucis techniques, l’équipe Martini quitte le circuit avant la course. À Monaco, Arnoux ne se préqualifie pas. En Belgique, Arnoux se qualifie 19e (enfin) et termine la course en neuvième position.

En Espagne, un moteur n’est pas revenu de sa révision et l’équipe décide de ne pas rouler. En France, la Martini coupe l’arrivée en 14e place. En Grande-Bretagne, il y a trop d’inscrits et les officiels du RAC refusent celle de la Martini... L’argent manque cruellement et les ennuis continuent. Arnoux ne se préqualifie pas en Allemagne, mais parvient à terminer neuvième en Autriche. Au Grand Prix des Pays-Bas, il se qualifie 23e, mais abandonne quand l’aileron arrière de la Martini s’affaisse.

Ce fut la fin de la courte histoire de la Martini F1. Avec aussi peu d’argent, c’était un pari vraiment insensé de se lancer en F1 sans expérience. Si la MK23 était magnifiquement bien fabriquée, certaines composantes n’étaient pas aux normes de la F1, notamment son châssis qui était insuffisamment rigide. De plus, avec l’arrivée en scène de la Lotus 79 à effet de sol, la Martini toute neuve était déjà techniquement dépassée.

Cette Martini F1 a ensuite trôné dans le lobby de l’entrée du circuit de Magny-Cours en France. René Arnoux a trouvé refuge au sein de l’écurie Surtees avec laquelle il a disputé les deux derniers Grands Prix de la saison 1978, à Watkins Glen et à Montréal. Arnoux pu enfin démontrer son talent et fut recruté par Gérard Larrousse pour être intégré à l’écurie Renault dès 1979.