Imaginez un gros go-kart dépourvu de suspensions et propulsé par un monstrueux moteur V8 de plus de 700 chevaux et qui vous catapulte à plus de 300 km/h ! C’est ce qu’était de piloter la Shadow Mk I AVS go-kart.

L’entreprise Shadow a été créée par Don Nichols, personnage ultra discret et secret, ancien militaire américain qui a aussi travaillé pour les services secrets de renseignements du Pentagone.

Après avoir oeuvré durant quelques années au Japon, Nichols revient vivre aux États-Unis en 1968. Avec un ingénieur de talent, mais à l’imagination complètement débridée nommé Trevor Harris, il fonde Advanced Vehicle Systems avec comme objectif de produire des voitures de courses vraiment peu orthodoxes.

Coup de chance : le règlement technique de la série Can-Am (Canadian American Challenge), ou Groupe 7, encourage les équipes à concevoir des voitures qui sortent de l’ordinaire. Tout, ou à peu près, est permis. Harris a justement une idée un peu folle dans la tête : celle d’une voiture qui serait une sorte de go-kart surdimensionné.

Harris part du principe que la vitesse maximale d’une voiture est déterminée par sa surface frontale. Il désire donc concevoir une voiture très plate qui roulerait beaucoup plus vite que les autres sur les lignes droites. « Si j’avais voulu être ordinaire, j'aurais acheté une McLaren » avait alors déclaré Nichols qui donne le feu vert à Harris pour créer ce bolide un peu fou pour courir en série Can-Am en 1970.

Le châssis, ultra bas, est réalisé en feuilles d’aluminium anodisé noires afin de les rendre plus rigides. Le pilote se trouve en position presque couché. Il équipe la voiture de suspensions à double triangles superposés aux quatre coins. C’est tellement compact qu’il n’y a pas d’espace pour des combinés ressorts/amortisseurs verticaux. Harris installe trois minuscules ressorts de soupapes reliés à des amortisseurs à friction à chaque coin. Les freins à disques ventilés proviennent de la Ford Mustang.

Un V8 ? Pourquoi pas ?

Le moteur est un V8 atmosphérique Chevrolet, “big block” d’une cylindrée de huit litres qui développe la puissance de 740 chevaux à 6400 tours/minute. Derrière se trouve une boîte Hewland LG500 à cinq rapports. Le châssis est tellement plat à l’avant que Harris a installé deux pédales horizontales : l’accélérateur et le frein, ce qui oblige le pilote à conduire avec des pieds inclinés à 45 degrés. L’embrayage, qui ne sert qu’au démarrage, est actionné par un levier au volant. Un système de lubrification ingénieux permet de changer des rapports sans utiliser l’embrayage.

Firestone produit des petits pneus de la Shadow : des 10 pouces à l’avant et des 12 pouces à l’arrière qui sont presque de la même largeur. Firestone assure que ses peitits pneus peuvent encaisser une vitesse de… 480 km/h !

La carrosserie en panneaux de fibre de verre est très enveloppante. La surface frontale de la Shadow n’est que de 1,2 m2 en comparaison à 1,76 m2 pour la McLaren M8B de 1969. Cette première version de la Mk 1 est dépourvue d’ailerons.

Les premiers essais montrent que si la Shadow est vraiment rapide en ligne droite, elle ne parvient pas à ralentir pour négocier les virages. Les freins et le moteur surchauffent en un temps record. De plus, la répartition des masses, 25% à l’avant et 75% à l’arrière, génère une tenue de route exécrable. Pour mieux refroidir les freins avant, des ventilateurs de refroidissement provenant de la Chevrolet Corvair sont installés.

La saison commence à Mosport Park en Ontario où la Mk I, pilotée par George Follmer, atteint 305 km/h au bout de la ligne droite, soit 32 km/h de mieux que les autres bolides. En course, Follmer, qualifié sixième, coupe le moteur après seulement 24 tours en raison de problèmes de surchauffe. Au Mont-Tremblant, Follmer se qualifie 10e, mais abandonne la course après seulement 13 tours, moteur en ébullition. Cette voiture est ensuite mystérieusement sévèrement endommagée dans un accident de la circulation.

Follmer et Harris quittent le navire, mais Nichols décide de poursuivre l’aventure et fait fabriquer une deuxième Mk I. Elle est confiée à Vic Elford qui la qualifie en septième place à Mid-Ohio. Sa course ne dure que neuf tours à cause de pneus déséquilibrés. On ne verra plus la Shadow Mk I en course, et Nichols confie la conception d’une nouvelle voiture Can-Am à Peter Bryant.

À noter que les deux Shadow AVS Mk I ont été complètement restaurées et participent parfois à des démonstrations de voitures historiques.