Dans toute l’histoire du championnat canadien de Formule Ford 1600, une seule femme a réussi à décrocher une pole position. Il s’agit de l’Ontarienne Ashley Taws.

Les amateurs se souviendront d’elle à cause de sa monoplace rose identifiée à la poupée Barbie. En 2002, elle est la coéquipière de Louis-Philippe Dumoulin au sein de l’écurie AIM Autosport des frères Ian et Keith Willis.

Native de Newmarket en Ontario, Ashley Taws a commencé à courir en karting à l’âge de neuf ans. Après plusieurs victoires et titres, dont le championnat canadien Grand National, elle passe à l’automobile à bord d’une monoplace de Formule 1200 à 16 ans. À sa première saison, elle termine deuxième au championnat BARC de F1200.

L’année suivante, en 2001, elle décroche un soutien financier peu ordinaire, celui de “Be Anything with Barbie at Wal*Mart”. À bord de sa monoplace peinte rose, elle lutte pour le titre jusqu’à la dernière épreuve, mais doit une deuxième fois se contenter du deuxième rang au classement final.

Pour 2002, elle monte en Formule Ford 1600 et pilote une Aero 2 ; une monoplace canadienne conçue et construite par les Willis. Elle et Dumoulin effectuent beaucoup d’essais avant le début de la saison, bien aidés par un système d’acquisition de données très performant.

Elle termine troisième en début de saison à Mosport, puis sixième au Grand Prix du Canada à Montréal et au Grand Prix Hankook à l’Autodrome St-Eustache. La quatrième manche est présentée dans les rues de Toronto lors du Molson Indy le week-end du 7 juillet.

La jeune femme de 18 ans démontre tout son potentiel en réalisant le tour de piste le plus rapide lors des qualifications. Elle négocie le circuit urbain de 2,9 kilomètres en 1’19”471 à la vitesse moyenne de 127,9 km/h. Dumoulin se qualifie au deuxième rang devant Chris Guerrieri à bord d’une Vector de l’écurie LM Scuderia de Mauro Lanaro.

Son père Peter lui demande comment elle avait réussi cette prouesse entre deux murs en béton, et Ashley de lui répondre « quels murs ? ».

« Je ne sais pas quoi dire ! » avait-elle confié. « La voiture se comporte parfaitement et je suis en pleine confiance au volant. Ce circuit possède quelques virages rapides que j’aime beaucoup ».

L-P Dumoulin, qualifié deuxième, saluait sa performance. « Non, je ne suis pas déçu. Ç’a m’importe peu qu’elle soit une fille. J’ai analysé l’acquisition de données et je peux vous garantir qu’elle est vraiment rapide ! »

Ashley frise la catastrophe

La course a lieu dimanche après-midi après la course de la série CART/IndyCar. Quelques instants avant le départ arrêté, les deux voitures Aero 2 commencent à avancer. Au vert, Guerrieri s'élance bien, mais c’est Éric Paradis qui prend la tête au premier virage. Il mène durant trois tours et est doublé par Guerrieri.

Dumoulin est quatrième et Taws, qui a raté son départ, doit se battre dans le peloton. Soudainement, son moteur cale. Elle perd du temps à le redémarrer et reprend la course en 18e position… Devant, la lutte est intense pour la première place entre Guerrieri et Dumoulin qui se doublent presqu’à chaque tour.

Malgré deux neutralisations, Ashley Taws parvient à doubler ses rivaux les uns après les autres. Sa remontée est spectaculaire. Durant le 20e et dernier tour, Dumoulin double Guerrieri à l’aspiration sur la longue ligne droite et conserve l’avantage jusqu’au damier. Dumoulin gagne la course avec une mince avance de trois dixièmes de seconde sur Guerrieri.

Éric Paradis se classe troisième devant… Ashley Taws qui est revenue de la 18e place. Bien qu'elle ait raté le podium, elle n’échoue qu’à quelques centimètres de la Van Diemen de Paradis. « Oui, j'ai fait un tête-à-queue au début de la course et j'ai ensuite perdu beaucoup de temps à faire redémarrer le moteur. J'ai ensuite poussé la voiture à fond, en doublant mes adversaires les uns après les autres. Je me suis vraiment amusé à doubler autant de voitures ! »

Quelques mois plus tard, en plein hiver, Ashley est la passagère arrière d’une voiture avec des amis quand survient un grave accident de la circulation. À cause de la force de l’impact, son corps a été écrasé et elle souffre d’une fracture de la colonne vertébrale, le lésions aux deux jambes et à certains organes internes. Les médecins ne sont 'pas sûrs qu’elle puisse marcher à nouveau. Mais avec des mois de physiothérapie, elle a pu piloter à nouveau en 2003, mais son corps était devenu trop faible pour encaisser les chocs et les efforts requis, ce qui l’a obligé à prendre une retraite sportive précoce.