Dans cette nouvelle chronique, je vous ramène en 1983 (ouf, 42 ans de cela…) et vous raconte mon périple au Grand Prix de Monaco.
Début 1983, je suis fraîchement diplômé et j’ai déniché un bon emploi. Je viens aussi de créer avec deux professeurs le Motor Sport Research Group de l’université McGill et nous désirons effectuer des études médicales avec un pilote de Formule 1 à l’occasion du Grand Prix du Canada.
Je sais que Nigel Mansell, pilote du Team Lotus, est fan de conditionnement physique et mon plan est d’aller discuter avec lui au Grand Prix de Monaco. Je vais voir Louis Butcher (qui est devenu journaliste plus tard) aux bureaux de la Fédération Auto-Québec et avec une lettre habilement rédigée, il m’obtient une accréditation.
Le 8 mai, mon copain François et moi partons de l'aéroport de Mirabel en direction de Paris sur le vol Air Canada 870. À Orly, nous prenons possession de notre bolide de location achat/rachat : une Citroën Visa blanche avec, sous le capot, un moteur de 2CV de 652 cc refroidit à l’air qui produit la puissance folle de 34 chevaux !
Pour la course de Monaco, nous logeons dans un hôtel très (trop ?) économique à Nice. Je prends le train en direction de la Principauté de Monaco samedi matin. Arrivé à la gare monégasque, c’est l’intensité du bruit qui est stupéfiant. À cause du rocher, le son des moteurs éclate de partout ! Je vais chercher mon accréditation "Invité presse", et ma photo est prise juste au moment où je cligne des yeux. Bravo !
Pas facile de circuler, car la foule est compacte. Parfois, on peut passer par une petite porte dans les grillages et une heure plus tard, ce n’est plus possible. Je peux néanmoins m’approcher des rails de sécurité et jouir d’une vue ultra spectaculaire. Les voitures me frôlent et le son assourdissant des moteurs fait vibrer ma poitrine.
Rencontre sympathique avec Mansell
Je profite du calme de l’heure du midi pour l’introduire, très discrètement, dans la ligne des puits, car je n’y ai pas accès. Je vais voir Mansell, me présente, lui explique notre projet qui l’intéresse vraiment. J’ai juste le temps de lui donner nos coordonnées à Montréal avant de me faire expulser par un officiel pas super sympathique.
Il commence à pleuvoir et cela signifie que la grille de départ sera établie à partir des temps réalisés vendredi. Si les Renault turbo d’Alain Prost et René Arnoux monopolisent la première ligne, Keke Rosberg est le plus rapide des concurrents à moteurs atmosphériques avec une cinquième place. C’est la désillusion chez McLaren, car Niki Lauda et John Watson ne sont pas qualifiés !
Je suis de retour à Monaco dimanche pour assister à la course de Formule 3 à laquelle participe notre compatriote Allen Berg au volant d’une voiture de l’écurie d’Eddie Jordan. Qualifié 14e, il est remonté en 11e position avant d’être victime d’un accrochage sur la piste détrempée.
Une autre averse tombe durant l’heure du midi et sur la grille des F1, tout le monde se demande s’il faut monter des pneus pluie ou des slicks, car le vent souffle et la pluie a presque cessée. Quelques rares pilotes, dont Rosberg, choisissent de prendre le départ en pneus lisses.
Je suis installé au virage en épingle de la Rascasse pour profiter d’une superbe vue dégagée sur les voitures. Le départ est donné et c’est avec stupéfaction que je constate que c’est Rosberg qui mène la meute lorsqu'elle passe devant moi ! Même si la piste est encore humide, Keke lance sa Williams dans les virages et elle dérape comme si elle roulait sur de la glace ! Les glissades de Rosberg, effectuées à grands coups d’accélérateur, sont réellement impressionnantes. C’est comme s’il était revenu en Formule Atlantique !
Le Suisse Marc Surer sur une Arrows-Ford et le Britannique Derek Warwick, au volant d’une Toleman-Hart turbo, se mettent en évidence sur cette piste piégeuse. Il se chamaillent pour la troisième place quand ils s’accrochent et abandonnent au 50e tour. Jacques Laffite, le coéquipier de Rosberg chez Williams, profite de ses pneus lisses et occupe le second rang. Il doit toutefois abandonner au 54e tour à la suite d’un bris de sa boîte de vitesses.
Des 20 partants, seuls sept parviennent à rallier l’arrivée. Au terme d’une fabuleuse leçon de pilotage, Rosberg termine premier devant Nelson Piquet sur une Brabham-BMW turbo, Prost sur sa Renault, Patrick Tambay à bord d’une Ferrari puis suivent les étonnants Danny Sullivan (Tyrrell-Ford) et Mauro Baldi (Alfa Romeo).
Avant de quitter, je passe un moment avec les membres du Team Lotus, car la foule est extrêmement dense et rien ne sert de tenter de me rendre à la gare. J’en profite pour acheter un t-shirt officiel de l’événement ainsi qu’un porte-clés au casque de Gilles Villeneuve (voir la photo ci-dessus).
Je me rends à la gare où des Italiens, frustrés d’attendre, s’énervent, ce qui provoque une mini émeute, vite terminée par les autorités. Je dois quand même attendre une heure avant de prendre le train en direction de Nice. Et à 20 heures, j’arrive enfin à l’hôtel.
À mon retour à Montréal, Nigel Mansell nous confirme son intérêt à participer à nos études. Au Grand Prix du Canada, tenu le 12 juin, nous réalisons nos premiers enregistrements de fréquences cardiaques avec gros Holter sur cassette audio quand Nigel est en piste. C’est le début d’une grande aventure.
Pour consulter mes autres chroniques de voyages, cliquez sur le lien.
Bruno Spengler, champion du DTM
Jean Alesi devient une star au Grand Prix de Phoenix
Nigel Mansell victime d’un gros accident au Grand Prix de France
La série CART visite Surfers Paradise en Australie
Le Québécois Stéphane Proulx dispute la course de F3000 à Nogaro
Une accréditation, des souvenirs : Grand Prix de Monaco de 1983 et la spectaculaire victoire de Keke Rosberg
Lundi 10 mars 2025 par René Fagnan
Crédit photo: René Fagnan