À une époque où les pilotes de Grands Prix étaient à peu près tous âgés dans la trentaine et la quarantaine, un Néo-Zélandais âgé de "seulement" 22 ans a inscrit un record en devenant le plus jeune vainqueur d’une course de Formule 1.
Nous sommes en 1959. La saison de F1 ne compte que neuf étapes, incluant les 500 Milles d’Indianapolis. Les gagnants cette année-là sont Jack Brabham alors âgé de 33 ans, Stirling Moss (30 ans), Jo Bonnier (29 ans) et Tony Brooks (27 ans).
Un jeune pilote issu de la Nouvelle-Zélande, qui débute en F1 cette saison, commence à impressionner au volant d’une petite Cooper T51 à moteur quatre cylindres Climax officielle. Il a terminé deux fois cinquième, a connu trois abandons consécutifs, mais est monté sur la troisième marche du podium en Grande-Bretagne. Il s’agit de Bruce McLaren, né le 30 août 1937 à Auckland.
Le dernier Grand Prix de la saison a lieu sur le circuit de Sebring International Raceway en Floride. Trois pilotes peuvent espérer remporter le titre mondial : Jack Brabham avec 31 points, Stirling Moss (25,5) et Tony Brooks (23).
Le Grand Prix des États-Unis a lieu durant le week-end du 12 décembre 1959. Avec ses 8,36 kilomètres, le tracé de Sebring est long et prend trois minutes à négocier, et la course de 42 tours aura une distance totale de 351 km.
Trois Cooper dominent les qualifications avec Moss en pole position devant Brabham et Harry Schell. Tony Brooks est quatrième à bord de sa Ferrari D246 tandis que le jeune McLaren est dixième avec un retard de 8”6 sur le détenteur de la pole.
Au moment départ, Moss démarre bien, mais Schell rate son envol et Brooks se fait percuter par son coéquipier Wolfgang von Trips.
En dépit de son manque d’expérience, McLaren effectue un départ fabuleux, dépasse plusieurs rivaux et complète son premier tour de piste en troisième position derrière Moss et Brabham. Soucieux de l'état de sa voiture après la collision, Brooks s'arrête un instant à son puits pour un rapide contrôle. Il revient en piste 15e et a pratiquement perdu toutes chances de gagner la course, ce qui était impératif pour lui pour devenir champion.
Moss mène les quatre premiers tours, mais abandonne durant le cinquième quand sa boîte de vitesses lâche. McLaren grimpe d’un rang et roule en seconde position derrière Jack Brabham, Australien et mentor du jeune McLaren.
Tout se joue à moins de 500 mètres de l’arrivée
Moss ayant abandonné, seul Brooks peut inquiéter Brabham dans la course au titre mondial. À la mi-course, Brooks est sixième et poursuit sa remontée. Mais même s’il gagne la course, il faudrait que Brabham décroche un très mauvais résultat pour que Brooks devienne champion. C’est pourtant ce qui a bien failli arriver !
Le peloton amorce le dernier tour de piste. Brabham mène avec 30 secondes d’avance sur McLaren, puis viennent Maurice Trintignant (Cooper-Climax de l’écurie RRC Walker Racing Team) et Brooks. Quand la Cooper de Brabham négocie les virages, son pilote ressent de petites hésitations du moteur. Pas un bon signe…
Le moteur coupe, redémarre, coupe et repart. À seulement 365 mètres de l’arrivée, le quatre cylindres devient muet. McLaren rattrape la Cooper qui roule doucement et se demande s’il doit la doubler. Brabham lui fait signe de la main de foncer afin de Brooks ne gagne pas la course ! Puis, Brabham met pied à terre et commence à pousser sa voiture afin qu’elle franchisse l’arrivée, ce qui était permis à l’époque.
Bruce McLaren croise l’arrivée en première place avec une avance de six dixièmes sur Trintignant et trois minutes - presqu’un tour - sur la Ferrari de Brooks. Jack Brabham a réussi son pari et a poussé sa Cooper jusqu’à la ligne, terminant ainsi en quatrième place à quatre minutes et 57 secondes du vainqueur. Il est exténué, mais il est sacré Champion du monde !
McLaren devient alors le plus jeune vainqueur d’un Grand Prix de F1 à 22 ans trois mois et 12 jours. Il vient de battre le record de Mike Hawthorn établi en France en 1953 et qui était de 24 ans deux mois et 25 jours. En 1966, il a créé sa propre écurie, Bruce McLaren Motor Racing et construit ses monoplaces de F1.
Bruce McLaren est décédé le 2 juin 1970, sur le circuit de Goodwood en Angleterre, alors qu'il effectuait des essais avec l'une de ses Can Am, une McLaren M8D-Chevrolet.