Le pilote belge Jacky Ickx, un apôtre de la sécurité en course automobile comme l’était son collègue Jackie Stewart, a pourtant bien failli mourir dans les flammes quand sa Ferrari a été percutée par le bolide d’un concurrent.

Le Grand Prix d’Espagne est la deuxième manche du Championnat du monde des conducteurs de 1970. L’épreuve est présentée le 19 avril, soit un mois après l’ouverture de la saison tenue en Afrique du Sud. La course espagnole est organisée sur le petit circuit tortueux de Jarama situé à 30 km au nord de Madrid.

Dans le paddock, tout le monde observe avec attention la grande nouveauté de l’année, la Lotus 72, qui se distingue par sa forme en coin, ses radiateurs latéraux et ses freins avant inboard. Deux exemplaires ont été produits par l’équipe de Colin Chapman. La 72A/2 est confiée à l’Autrichien Jochen Rindt tandis que la 72A/1 est aux mains de John Miles.

Dix pilotes sont automatiquement qualifiés pour la course, mais pour les autres, c’est l’inconnu ! Jack Brabham réalise le meilleur chrono à bord de sa Brabham-Ford BT-33 devant Denny Hulme sur une McLaren-Ford M14A et Jackie Stewart aux commandes de sa March-Ford 701.

Vingt-deux pilotes ont participé aux essais, mais dimanche matin, la CSI (Commission sportive internationale) n’autorise que 17 concurrents sur la grille de départ. Juste avant le baisser du drapeau, les policiers expulsent les indésirables qui sont pourtant sanglés dans leurs monoplaces : Andrea De Adamich (McLaren officielle), John Miles (Lotus officielle), Jo Siffert (March officielle), l’Espagnol Alex Soler-Roig (Lotus privée) et le Canadien George Eaton (BRM officielle).

Horreur au premier tour

Jackie Stewart démarre bon premier et mène le peloton. Mais au freinage du virage à gauche Bugatti, une pièce de la suspension arrière de la BRM de Jackie Olivier casse net. Incapable de freiner, Oliver devient le passager d’un train à haute vitesse. La BRM tire tout droit, traverse le terre-plein et harponne de plein fouet la Ferrari de Jacky Ickx qui, elle, a freiné et commencé à tourner vers la gauche dans le virage.

L’impact est terrible. Les réservoirs d’essence remplis à ras bord sont éventrés et laissent échapper des dizaines de litres de carburant qui s’embrasent instantanément. On distingue à peine les deux monoplaces endommagées à travers le brasier.

Si Oliver parvient à vite s’extirper de sa BRM, ce n’est pas le cas d’Ickx qui ne parvient pas à dégrafer son harnais. De longues secondes passent et personne ne vient à sa rescousse. Ickx s’agite dans son cockpit et la visière de son casque commence à fondre. Finalement, il arrive à défaire la boucle du harnais. Il bondit hors de l’épave, traverse la piste en courant et se roule par terre, car le dos de sa combinaison flambe.

Un policier de la garde civile tente d’éteindre le feu avec son képi et ses mains, mais il n’y arrive pas et se brûle. Enfin, un commissaire arrive sur les lieux de l’accident armé d’une lance à incendie. Il arrose Ickx avec un puissant jet d’eau, ce qui épargne le Belge de subir de graves brûlures.

Les maigres secours se trouvent à l’intérieur du virage tandis que les deux bolides toujours en flammes sont à l’extérieur de la courbe. Avec sa lance à incendie, le commissaire arrose le feu de l’autre côté de la piste ! À cause de l’huile déversée et l’eau, la piste devient incroyablement glissante, car, eh oui, la course n’est pas arrêtée au drapeau rouge ! L’épreuve continue et les voitures roulent à fond, sauf dans le virage Bugatti où les pilotes effectuent des dérapages plus ou moins contrôlés.

Pendant qu’Oliver et Ickx vont faire traiter leurs brûlures au centre médical du circuit, les commissaires tentent de maîtriser l’incendie. Il leur faudra une bonne quinzaine de tours pour éteindre le feu et commencer à dégager les deux carcasses.

Le drapeau à damier, agité au 90ème tour, salue la 12ème victoire en Formule 1 de Jackie Stewart. Toutefois, l’Écossais est choqué par l’accident survenu en début de course et qui a démontré le manque de planification des organisateurs, l’inefficacité des dispositifs de sécurité et l’absence de formation des commissaires et des officiels. Le syndicat des pilotes de F1, mené par Stewart et Jo Bonnier, fera alors pression sur la CSI afin d’améliorer la sécurité sur les circuits automobiles.