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23 janvier : Les pilotes de F1 refusent de signer la nouvelle licence et font la grève en 1982

23 janvier : Les pilotes de F1 refusent de signer la nouvelle licence et font la grève en 1982

Lundi 23 janvier 2023 par René Fagnan
Crédit photo: Galeron

Crédit photo: Galeron

Comme tout automobiliste, un coureur automobile doit posséder une licence de pilotage qui atteste de ses compétences. En 1982, les pilotes de Formule 1 ont refusé les termes de la nouvelle licence de pilotage et ont décidé de faire la grève.

Il faut préciser qu’au début des années 80, le climat qui régnait en F1 était assez explosif. En gros, les écuries privées britanniques jugeaient qu’elles étaient désavantagées face aux grands constructeurs automobiles, comme Ferrari, Renault et Alfa Romeo, qui envahissaient “leur” F1. Face aux puissants moteurs turbo de ces joueurs majeurs de l’industrie, les écuries britanniques étaient coincées à utiliser le moteur Ford Cosworth DFV, vieillissant et plus assez puissant. Bref, le combat était inégal.

L’autre source de frictions provenait des pilotes qui, selon Bernie Ecclestone, étaient devenus des divas trop chèrement payées. Le fait qu’Alain Prost ait pu assez facilement mettre un terme à son contrat qui le liait à McLaren pour filer chez Renault a poussé le grand argentier de la F1 à intervenir.

Ecclestone décide donc de faire modifier les termes des licences des pilotes pour 1982. Dans son livre ”No Angel”, Tom Bower écrit qu’Ecclestone qualifiait les pilotes de millionnaires égocentriques vivant dans les paradis fiscaux, détruisant leur matériel sans regret avant de laisser tomber leur équipe pour aller vers d’autres cieux… plus payants.

Ecclestone soumet son idée à Jean-Marie Balestre de la FIA et aux autres directeurs d’écuries. Son plan est de rendre les écuries propriétaires des pilotes, ce qui interdirait à ces derniers de négocier leur transfert. Les équipes pourraient ainsi vendre ou échanger les pilotes à leur guise, comme c’est le cas au soccer.

Le formulaire de licence est envoyé aux pilotes. Certains le signent sans même le lire tandis que d’autres comme Gilles Villeneuve, Didier Pironi et Niki Lauda sursautent et alertent leurs copains.

Le premier Grand Prix de la saison a lieu sur le circuit de Kyalami en Afrique du Sud. Pironi et Lauda s’aperçoivent qu’Ecclestone, Balestre et tous les directeurs d’écuries sont unis dans ce désir de menotter les pilotes.

Jeudi matin, les pilotes arrivent dans le paddock du circuit et grimpent immédiatement dans un autobus qui les amènent à l’hôtel Sunnyside Park, situé loin du circuit, afin de ne pas être soumis à d’intenses pressions de la part de leurs employeurs.

Pironi, en chef syndicaliste, retourne au circuit et négocie avec les autorités. Les pourparlers tournent court, car la FIA menace de bannir à vie les 30 pilotes rebelles et de les remplacer par des pilotes de Formule 2 ou F3. Seuls ceux qui signeront le document pourront disputer la saison. Les directeurs d’écuries, craignant de perdre leurs commanditaires, sont désemparés.

Les pilotes disposent d’un atout

Les pilotes sont enfermés dans une salle de bal de l’hôtel et la porte est ferme à clé. Des matelas sont posés par terre et les pilotes passent la nuit dans ce dortoir improvisé dans une atmosphère bon enfant. Un seul pilote fait défection durant la nuit : Teo Fabi. Il n’aura plus le respect de ses pairs.

Les négociations se poursuivent dans une atmosphère tendue. Les pilotes, unis, savent qu’ils peuvent faire céder Ecclestone et la FIA, car ils disposent d’un atout de taille. Ils savent que s’ils sont bannis, les écuries auront bien du mal à trouver 30 nouveaux pilotes, des rookies, capables de maîtriser ces voitures turbo et de donner bon spectacle. De plus, les spectateurs et les télévisions paient pour voir courir les meilleurs pilotes au monde, pas des suppléants.

Les autorités finissent par comprendre qu’elles n’auront pas le dernier mot dans cette affaire et acceptent de retirer ce projet de licence. Pironi revient à l’hôtel et annonce la bonne nouvelle à ses amis. Le groupe revient au circuit et reçoit un accueil glacial de leurs écuries. Plusieurs directeurs d’équipes jugent que c’est Niki Lauda qui a manigancé cette révolte.

Rancunier, Ecclestone refuse de voir Nelson Piquet piloter sa Brabham, prétextant que son pilote n’est pas en bonne forme physique après une nuit mouvementée à l’hôtel. Gilles Villeneuve prévient les autres pilotes et menace de refaire la grève. Après un passage au centre médical du circuit, Piquet reçoit feu vert des médecins, ce qui rend son patron encore plus en furie.

Malgré la tension, la course a bien lieu le 23 janvier. Alain Prost remporte la victoire sur sa Renault turbo devant Carlos Reutemann sur une Williams-Ford et René Arnoux sur l’autre Renault.

Sur la photo ci-dessus, on aperçoit, de gauche à droite, Didier Pironi, Niki Lauda et Gilles Villeneuve au circuit de Kyalami.