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1er mars : Ford approuve le financement du fabuleux moteur Cosworth DFV de F1

1er mars : Ford approuve le financement du fabuleux moteur Cosworth DFV de F1

Mardi 1er mars 2022 par René Fagnan
Crédit photo: Wikimedia Commons

Crédit photo: Wikimedia Commons

Financé par la géant américain Ford à la hauteur de seulement 200 000$ en 1967, le fabuleux Cosworth V8 DFV a été l’un des moteurs les plus couronnés de l’Histoire de la Formule 1.

En juin 1966, Ford réussit son pari osé de battre Ferrari aux 24 Heures du Mans. La haute direction de Ford à Détroit, dirigée par Walter Hayes, savoure cet exploit sans vraiment songer à l’étape suivante, la Formule 1. C’est en fait Colin Chapman, le patron du Team Lotus et de Lotus Cars, qui va servir le bougie d’étincelles et de courroie de transmission, car Chapman entretient des liens étroits avec une petite firme de moteurs de compétition, Cosworth.

Durant les années 50, deux talentueux ingénieurs britanniques passionnés de course automobile sont recrutés par Chapman. Mike Costin et Keith Duckworth travaillent chez Lotus et s’entendent à merveille.

Au cours de l’été 1958, ils quittent Lotus et fondent leur propre compagnie dont le nom Cosworth provient d’une partie de leurs deux noms, soit COStin et DuckWORTH. La petite entreprise réalise des projets d’ingénierie liés à l’automobile et au sport automobile et prépare aussi des moteurs de course. Un premier succès survient quand un jeune pilote écossais, Jim Clark, remporte une victoire en Formule Junior au volant d’une monoplace propulsée par un moteur préparé par Cosworth.

La firme Cosworth a son premier contact avec Ford en 1963 grâce à Chapman. Ce dernier demande à ses deux anciens employés de modifier la mécanique des Lotus Cortina-Ford. Puis, Cosworth prépare des moteurs de Formule 2 et de F3. De solides liens se créent entre Chapman, Costin et Duckworth.

Au début de l’année 1965, Chapman prépare l’avenir, car la FIA va permettre aux moteurs atmosphériques de F1 d’accroître leur cylindrée à trois litres. Les monoplaces Lotus de F1 sont alors propulsées par des moteurs Climax, mais Chapman désire disposer d’un tout nouveau moteur, créé spécialement pour cette nouvelle règlementation et non pas d’un vulgaire bloc réalésé. Il discute avec Duckworth de la conception d’un moteur de trois litres qu’un tiers financerait.

Qui va payer ?

Duckworth accepte le contrat à condition de disposer d’un budget de 100 000 livres sterling (soit environ 200 000$ canadiens) pour le concevoir et le produire. Quelques mois plus tard, Chapman rencontre des dirigeants de grands constructeurs automobiles, incluant le grand boss de Ford, Walter Hayes, et tâte le terrain. Il lui offre de baptiser le moteur “Ford” et de voir le logo de Ford sur les couvercles d’arbres à cames en échange de payer la facture de Cosworth. 

De retour à Détroit aux États-Unis, Hayes présente le projet à Henry Ford II. Ce dernier demande ce que ce moteur pourrait bien apporter à sa compagnie. « On gagnera des courses internationales et peut-être bien un championnat du monde, » lui répond Hayes en laissant sous-entendre “et battre Ferrari”. « Combien ? » questionne Ford. « 100 000£ » répond Hayes. Le projet est immédiatement accepté.

Ford commande ensuite la réalisation de ce moteur “révolutionnaire” à Cosworth. Le plus incroyable est que Cosworth n’avait, jusqu’à ce jour, jamais réalisé un moteur complet. Chapman exigea un bloc extrêmement rigide, car il devait être une composante structurelle de la voiture. Il devait être aussi très compact, pas trop lourd, ouvert en un V étroit. Sur sa planche à dessins, Duckworth conçoit le Cosworth DFV (pour Double Four Valve, à cause de ses quatre soupapes par cylindre) et crée une base très étroite, neuf pouces (23 cm), soit la largeur des fesses de Jim Clark lorsqu’il est assis dans la monoplace !

Les essais de développement de remplissage des cylindres, de la forme des culasses et de la rigidité structurelle du futur moteur sont réalisés sur un moteur quatre cylindres FVA de Formule 2. Le bloc moteur est fait d’alliage d’aluminium et incorpore des chemises en fonte. Les systèmes d’allumage et d’injection sont positionnés au centre du V. Les culasses, à double arbres à cames en tête, sont en magnésium. Au final, le moteur ne pèse que 168 kilos.

Le premier exemplaire du DFV est enfin testé au banc d’essais. Il produit une puissance maximale de 408 chevaux à 9500 tours/minute. Toutefois, il a tendance à beaucoup vibrer à 8600 tours/minute, causant pas mal de vibration de torsion. Ce fut l’une des principales caractéristiques du DFV durant toute son existence. Une fois le premier moteur fiabilisé, Cosworth et ses sous-traitants produisent un premier lot de cinq moteurs fournis au Team Lotus.

Graham Hill effectue un premier essai en piste et le Britannique n’est guère impressionné par le DFV. Au Grand Prix des Pays-Bas de1967 à Zandvoort, les Lotus 49 de Jim Clark et de Hill sont munies de ce tout nouveau moteur. Hill démarre en position de tête, mais abandonne au septième tour. Clark part huitième, prend rapidement la tête et remporte l’épreuve.

Le Ford Cosworth DFV a changé le cours de l’Histoire de la Formule 1. Dès 1968, des dizaines d’écuries ont opté pour ce V8 puissant, fiable, compact, économe en carburant, pas trop cher à l’achat et facile à faire entretenir chez des spécialistes.

Entre son arrivée en 1967 et 1983, année de son dernier triomphe, le DFV a remporté 155 victoires en F1. L’arrivée des puissants moteurs turbo des grands constructeurs automobiles a poussé l’honorable DFV vers la retraite, bien qu’il fût encore longtemps utilisé en Formule 3000, en Endurance et dans d'autres disciplines automobiles, incluant les courses sur glace !