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Insolite : La curieuse et dangereuse voiture side-car de Smokey Yunick à l’Indy 500 de 1964

Insolite : La curieuse et dangereuse voiture side-car de Smokey Yunick à l’Indy 500 de 1964

Mardi 9 mars 2021 par René Fagnan
Crédit photo: Indianapolis Motor Speedway

Crédit photo: Indianapolis Motor Speedway

Henry "Smokey" Yunick est surtout connu pour avoir intelligemment su lire entre les lignes des livres de règlements quand il engageait des voitures en NASCAR Cup. Lui affirmait qu’il ne trichait pas, mais qu’il profitait allègrement des zones grises du règlement technique.

Né en 1923 dans une petite ville de Pennsylvanie, Yunick a été tour à tour pilote, mécano, ingénieur et concepteur de voitures de courses. Entre 1951 et 1967, il a été un chef d’équipe en NASCAR Cup et a récolté 22 victoires et 21 pole positions en 98 courses, essentiellement avec Herb Thomas comme pilote. Son célèbre chapeau de cowboy a été vu dans les paddocks du superspeedway d’Indianapolis durant plus de 20 ans.

Pilote d’un B-17 durant la Seconde Guerre mondiale, il revint aux États-Unis après la fin de la guerre et s’établit à Daytona Beach en Floride où il découvre le stock-car. Très rusé et extrêmement imaginatif, il équipe l’IndyCar Watson-Offy de Jim Rathmann d’un aileron qui génère de l’appui aérodynamique, et ce dès l’Indy 500 de 1962.

En 1964, il songe à créer un bolide révolutionnaire pour Indianapolis : une voiture munie d’une capsule ou une sorte de side-car où le moteur, la transmission et le réservoir d’essence seraient logés dans la partie centrale de la voiture tandis que le pilote serait assis aux commandes dans un second compartiment suspendu du côté gauche du bolide. Comme une moto side-car.

Le concepteur voulait que les trois masses les plus importantes de la voiture - le moteur, le pilote et le réservoir d’essence - soient parfaitement réparties à l’avant et à l’arrière de la voiture avec plus de poids sur le flanc gauche pour l’aider à tourner dans les virages. Autre avantage croyait-il : cette répartition des masses ne changerait pas durant la course.

George Hurst, le grand patron des transmissions au plancher Hurst, est séduit par la création de Yunick et décide d’investir 40 000$ dans l’affaire afin que la bête porte le nom officiel de Hurst Floor Shift Special.

Au début, Yunick avait pensé propulser son bolide à l’aide d’une turbine d’hélicoptère. Par contre, l’accord passé avec le fournisseur tombe soudainement à l’eau pendant la construction de la voiture, ce qui force Yunick à se tourner vers un moteur Offy quatre cylindres turbo, puissant et fiable.

Une bonne dose de courage

La suspension avant est fort simple avec un ressort transversal à lame unique qui se fixe aux porte-moyeux. Pour économiser des sous, les fusées, plateaux de freins et freins à tambours sont ceux d’une Pontiac Tempest de 1963. À l’arrière, un tube De Dion, un bras oscillant, un combiné ressort/amortisseur et une barre antiroulis font l’affaire.

Le (courageux) pilote est assis dans la capsule latérale où se trouvent le volant, le pédalier et les cadrans (le pilote devait se tourner la tête vers la droite pour les voir !). Cette capsule est fixée au châssis principal que par cinq boulons... Quand votre vie ne tient qu’à ces cinq petits boulons !

Yunick confie le volant de sa création à Bobby Johns, un bon pilote de stock-car qui a déjà remporté deux victoires de série NASCAR Grand National, mais peu expérimenté à Indianapolis. La photo ci-dessus montre Johns au volant et Yunick à ses côtés.

L’histoire raconte que la voiture side-car a peu roulé durant les essais. Elle était affligée de soucis techniques et Bobby Johns était inquiété par sa tenue de route problématique. Yunick et son pilote ont finalement tenté de qualifier l’engin le dimanche 24 mai, dernière journée de qualification. Mais à la fin de son premier tour lancé, Johns arrive au virage 1 avec un peu trop d’enthousiasme. Il freine, toutefois les tambours de série sont froids, donc capricieux et imprévisibles. Johns appuie un peu plus fort sur la pédale, et il ne passe rien jusqu’à ce que les freins mordent très soudainement.

Le side-car effectue deux tête-à-queue et percute le mur extérieur. Johns est secoué, mais il n’est pas blessé. Par contre, il a eu la peur de sa vie. Que serait-il arrivé si la voiture avait tapé le mur de son côté à lui ? La voiture a subi de lourds dommages. Elle est irréparable sur place. Fin des qualifications, fin de l’aventure.

Quelques mois plus tard, le règlement technique des 500 milles d’Indianapolis était changé et interdisait désormais ce genre de.... mauvaise blague. Ne pouvant plus la faire rouler, Yunick offrit alors la Hurst Floor Shift Special au musée du circuit d’Indianapolis.

Crédit photo: Indianapolis Motor Speedway