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Entre millions de dollars et clauses contraignantes : Les contrats des pilotes de F1

Entre millions de dollars et clauses contraignantes : Les contrats des pilotes de F1

Lundi 2 novembre 2020 par René Fagnan
Crédit photo: WRI2

Crédit photo: WRI2

Les pilotes automobiles professionnels signent des contrats avec les écuries qui les emploient. Pour une équipe de sport mécanique, qu’elle soit de Formule 1, de WEC, d’IndyCar ou de NASCAR Cup, un pilote est un employé presque comme les autres.

Comme vous le constatez à la lecture de ce texte, les contrats des pilotes de F1 se sont considérablement complexifiés depuis les années 60. Il fut une époque où une poignée de main avait beaucoup plus de valeur qu’un contrat écrit, comme on peut bien le sentir sur la photo ci-dessus où l’on voit Enzo Ferrari serrer la main de Patrick Tambay, appelé à prendre le volant de la Ferrari No.27 après l’accident mortel de Gilles Villeneuve en mai 1982.

À moins de consulter un véritable contrat, il est très difficile, et surtout hasardeux, d’estimer le salaire d’un pilote et ses conditions d’emploi. Toutefois, nous avons eu la chance d’en consulter quelques-uns. Nous en avons tiré les détails les plus intéressants et avons aussi standardisé les monnaies utilisées. Ainsi, tous les montants mentionnés sont en dollars américains.

Les années 70

1977 - Gilles Villeneuve avec McLaren

Le contrat de six pages fut signé en février 1977 et indiquait que Villeneuve était engagé pour disputer certains événements de la saison 1977. Son salaire serait de 1500$ pour chaque course disputée en plus d’empocher 30% des bourses. L’écurie s’engageait à lui rembourser les frais de déplacement pour les essais et les courses. On sait que Villeneuve n’a disputé qu’un seul Grand Prix avec McLaren, celui de Grande-Bretagne en juillet.

1978 - Niki Lauda avec Brabham

Ce qu’on sait de ce contrat de 1978, car Lauda l’a révélé, est qu’il fut payé deux millions de dollars directement par Parmalat, l’entreprise laitière italienne qui commanditait l’écurie Brabham de Bernie Ecclestone à ce moment.

1979 - Jody Scheckter avec Ferrari

Le Sud-Africain a toujours soutenu que ses contrats de F1 devaient tenir sur une seule page, précisant seulement la durée du contrat, son salaire et son rang dans l’écurie. Son contrat de 1979, l’année de son titre mondial, lui garantissait un salaire d’un million de dollars ainsi qu’une une Fiat 127 pour son épouse.

Les années 80

1980 – Didier Pironi avec Ligier

Nous avons pu consulter ce contrat de quatre pages qui assure à Pironi un salaire de 25,000$ par mois, soit 300 000$ pour l’année. L’écurie lui rembourse aussi les frais de déplacement sur présentation de pièces justificatives. Un paragraphe attire notre attention : “Dans le cadre de l’exécution normale du présent contrat, le pilote devra respecter les instructions qui pourront lui être données par Monsieur Guy Ligier ou par le Team Manager.” Guy Ligier voulait ainsi s’assurer que ses pilotes, Pironi et Jacques Laffite, deux têtes fortes, respecteraient sans discuter les consignes imposées.

1987 – Ayrton Senna avec Lotus

Au cours des auditions entourant la poursuite judiciaire intentée contre les compagnies de tabac aux États-Unis, plusieurs documents furent déposés comme preuves devant la cour, incluant les contrats d’Ayrton Senna et de Nelson Piquet avec l’écurie Lotus, commanditée par Camel, propriété de RJR McDonald.

On constate que les contrats deviennent plus volumineux et plus précis. Celui qui lie le Team Lotus International Limited et Ayrton Senna da Silva Promotions Limited, une société de promotion qui “emploie” les services du pilote Ayrton Senna en 1987, possède 19 pages. Un article stipule : "Team Lotus lui accorde clairement le statut de pilote No. 1 et lui concède priorité sur toute allocation d’équipement durant les saisons 1987 et 1988."

Le salaire de base de Senna est de 1,5M$, ce à quoi s’ajoutent 4000$ par point marqué et un bonus de 250 000$ s’il remporte le Championnat du monde. Il a aussi droit à un compte de dépenses de 40 000$ par année. L’écurie Lotus dispose de 10 journées de présence médiatique de Senna, hors Grands Prix. Une clause précise que les deux côtés du casque de Senna, la mentonnière, et deux espaces sur la combinaison (30 x 12 cm à l’avant, et 30 x 8 cm à l’arrière) sont disponibles pour afficher le logo d’un commanditaire personnel qui fut, on se sait bien, la Banco Nacional.

L’annexe 4 confirme que pour la saison 1987, le Team Lotus dispose des moteurs Honda et est commanditée par R.J. Reynolds Tobacco International Ltd., Honda et la pétrolière Elf. L’annexe confirme aussi que le Français Gérard Ducarouge est le directeur technique de l’écurie : "Tous ces points, à l’exception de la présence d’Elf, sont essentiels à la validité de l’entente".

1988 – Nelson Piquet avec Lotus

Le contrat spécifie qu’il unit le Team Lotus International, RJ Reynolds Tobacco International et Nelson Souto Mayor est conditionnel à la motorisation de la Lotus T100 par Honda et à la présence de Gérard Ducarouge à titre de directeur technique. Le salaire de Piquet est de 3,5M$ pour la saison 1988, payé en quatre versements égaux par RJ Reynolds et non pas par Lotus. Piquet a aussi droit à 4000$ par point marqué et à un demi-million de dollars s’il devient Champion du monde.

Le Brésilien dispose d’un compte de dépenses de 40 000$ (ses billets d’avion sont de première classe) et accorde 20 jours de promotion par année à son employeur. Contrairement à ce que Senna avait obtenu, Piquet ne dispose pas d’espaces personnels sur son casque ou sa combinaison pour ses partenaires commerciaux.

Les années 90

1993 – Ayrton Senna avec McLaren

Sans pouvoir consulter les contrats, il est extrêmement difficile de révéler combien gagnent les pilotes de F1 depuis les années 90. Plusieurs sites web affirment confirmer le montant des salaires, mais cela est très difficile à croire sans qu’ils aient consulté les véritables documents légaux liant les parties. Par contre, on sait que Senna, triple Champion du monde en 1993 et déçu que McLaren se soit retrouvé coincée à utiliser le moteur Ford HB, avait obtenu un salaire d’un million de dollars par Grand Prix, soit un total de 16M$ pour la saison.

Les années 2000

L’arrivée en F1 de grands constructeurs automobiles comme Toyota, BMW, Jaguar, Honda et Mercedes a complexifié la rédaction des contrats avec des pilotes. Plusieurs clauses ont été ajoutées comme l’interdiction de pratiquer certains nouveaux sports dangereux, l’obligation d’assister à des lancements de nouveaux véhicules de la marque ou à des salons automobiles, l’obligation d’être clairement identifié à son employeur lors d’événements mondains, l’interdiction de donner son opinion personnelle sur certains sujets délicats et bien évidemment l’interdiction formelle de divulguer des secrets techniques à d’autres écuries.

Il existe aussi des clauses de performance allant dans les deux sens. Une écurie peut spécifier dans son contrat que si un pilote ne se qualifie pas à moins d’une demi-seconde de son coéquipier chaque course durant la saison, l’équipe peut alors mettre fin à l’entente, même si elle court sur plusieurs années. Même chose avec un pilote qui fait spécifier dans son contrat que s’il ne figure pas dans les cinq premiers au championnat à la mi-saison, par exemple, il est libre de quitter l’écurie.

Les chiffres qui suivant sont tirés de sites web de sport automobile qui publient des articles sur le salaire des pilotes. En 2014, année de son quatrième titre mondial et de sa dernière saison avec Red Bull Racing, Sebastian Vettel aurait empoché la coquette somme de 21M$. Six ans plus tard, la rumeur veut que Lewis Hamilton gagne la somme de 40M$ en pilotant pour Mercedes-AMG.

Tout devrait vraisemblablement changer avec un accord de principe à propos d'un plafond salarial pour les pilotes dès 2023. Ainsi, les salaires combinés des deux pilotes d’une écurie serait limité à un maximum de 30M$, ceci dans le but de réduire les coûts de fonctionnement des écuries.