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Otmar Szafnauer (Racing Point) parle du présent et de l'avenir de la future équipe Aston Martin F1

Otmar Szafnauer (Racing Point) parle du présent et de l'avenir de la future équipe Aston Martin F1

Lundi 27 avril 2020 par Eliane Gilain
Crédit photo: Racing Point F1

Crédit photo: Racing Point F1

En un peu plus de deux ans et demi, Racing Point est passé de l'écurie Force India, qui avait dû se placer sous la protection de la faillite, à la future première écurie officielle de Formule 1 de la marque Aston Martin depuis 60 ans, en 2021. Un énorme projet dont l'ampleur tient le directeur de l'équipe, Otmar Szafnauer, très occupé malgré le fait que la saison 2020 soit en pause forcée présentement, en raison de la pandémie de coronavirus.

Szafnauer a beaucoup de pain sur la planche; Lawrence Stroll, le propriétaire montréalais, milliardaire investisseur de l'équipe, est ambitieux et s'est fixé des objectifs élevés. L'équipe aura une nouvelle usine en Angleterre et prévoit une augmentation du nombre de ses employés, ainsi qu'en capacités d'infrastructures.

Jusqu'à un an avant sa faillite, Force India s'était battue avec succès en milieu de peloton, donc pour la quatrième place au classement général de la Formule 1, le tout avec un budget relativement modeste, notamment apporté par les commanditaires mexicains de Sergio Pérez, le coéquipier de Lance Stroll.

Racing Point souhaite à nouveau se battre pour cette 4ème position dès cette saison, si l'on en croit les résultats d’essais de février dernier à Barcelone. Mais l'équipe anglo-canadienne se retrouve au pied d'une énorme montagne, alors que le trio composé de Mercedes, Ferrari et Red Bull dispose de moyens techniques, financiers et humains nettement supérieurs..

L'équipe basée à Silverstone, qui deviendra Aston Martin Racing l'année prochaine, connaît tout de même une croissance fulgurante grâce à l'injection de fonds de la part de ses nouveaux propriétaires. Dès à présent, l'équipe compte 60 employés de plus que lors de sa renaissance, et, comme indiqué, d’autres s’ajouteront encore.

La nouvelle usine, en construction pour remplacer l’installation vieillissante qui abritait auparavant les équipes Jordan, Midland, Spyker et Force India, et dont la capacité avait atteint son maximum, ne devrait toutefois pas être opérationnelle avant l'automne prochain. L’équipe espérait que le déménagement puisse être fait à l'été prochain, mais les problèmes engendrés par le coronavirus ont ralenti la construction.

« Notre objectif est de nous classer parmi les trois premiers dans les trois prochaines années et d'être compétitifs à ce niveau » dit Otmar Szafnauer.  « Nous souhaitons avoir une chance de gagner des courses et de monter régulièrement sur le podium » ajoute-t-il. L’équipe a beaucoup misé sur l'efficacité à court terme, en utilisant par exemple la soufflerie de l’écurie championne Mercedes. Racing Point a également renforcé ses propres capacités de fabrication et de contrôle de la qualité, ce qui n'a pas empêché les observateurs de noter combien la Racing Point 2020 a des airs de famille avec la Mercedes de 2019. Leur F1 2020 a ainsi été surnommée la "Mercedes rose" lors des essais présaison !

Szafnauer se défend de cettte affirmation et il précise que calquer la collaboration technique avec Mercedes a toujours été le plan, sachant de plus que Racing Point utilise déjà le moteur et la boîte de vitesses de l'écurie allemande : « auparavant, nous leur achetions la boîte mais utilisions un concept aérodynamique totalement différent, ce qui signifiait une difficulté de plus pour nous. Nous avons donc voulu passer au concept aérodynamique de type Mercedes; ne pas avoir un grand angle dit "high rake" et donc avoir un arrière plus bas, mais nous n'avons jamais eu les moyens financiers de le faire. Nous devions toujours reporter le projet ».

Il s'agissait d'un engagement financier énorme qui, à l'époque, n’était que pour une seule saison alors que de nouvelles réglementations techniques devaient être introduites en 2021. Mais comme les nouveaux concepts de châssis ont été reportés à 2022 et les châssis 2020 acceptés pour la saison suivante afin de réduire les coûts, l'équipe espère ainsi pouvoir faire évoluer le programme plus longtemps, peut-être même au-delà de 2021, comme le suggère Szafnauer : « lorsque nous avons pris la décision, nous savions que ce ne serait que pour un an, mais maintenant il semble que nous aurons un an et demi avec ces châssis ». Il ajoute : « j'espère que nous pourrons prolonger cette période encore plus longtemps car le concept de la voiture [2021] consistait principalement à réduire les écarts entre voitures de haut et de fin de peloton ».

À propos de l'idée de repousser plus encore l'entrée en vigueur du futur règlement de la F1, il souligne : « si nous avons de très bonnes courses avec les voitures actuelles, il serait prudent d'envisager soit de repousser l'entrée en vigueur des nouvelles règles aérodynamiques d'une autre année, soit de revoir tout le concept et de conclure que ce que nous avons maintenant n'est pas si mal. Si on ne change pas les règles, nous économiserons de l'argent. En ce moment plus que jamais, nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour essayer de dépenser moins ».

La crise liée à l'épidémie de coronavirus a mis en évidence les coûts de la Formule 1 : les équipes ont fermé leurs usines et plus de la moitié d'entre elles ont dû licencié une partie du personnel pour protéger leurs activités respectives à court terme. Par ailleurs, les responsables des dix écuries rencontrent régulièrement les dirigeants de la F1 pour discuter des finances, notamment de la réduction du plafond budgétaire. Un sujet qui fait beaucoup parler, tant il est sujet à des divergences de vues entre les dirigeants de Ferrari et Red Bull et les autres équipes. « Nous devons apprendre que ce genre de choses (la pandémie) peut se produire » déclare Otmar Szafnauer. « Nous devrions mettre en place des pratiques, peut-être un plafond de coûts plus prudent, afin que si cela se reproduit, nous soyons sur une meilleure base financière.»

Il souligne également : « la pandémie a un impact massif. Nous avons mis l'entreprise sur pause. Nous sommes actuellement en arrêt, donc il n'y a pas de développement de la voiture. Peu d'argent a été dépensé, presque rien, ce qui est également une bonne chose. Nous avons prolongé la fermeture de deux semaines supplémentaires et je prévois que cela sera encore prolongé avec un début de saison seuleemnt prévu en Autriche, début juillet ». Racing Point a été l'une des cinq équipes avec McLaren, Williams, Renault et Haas à mettre une partie de son personnel au chômage tandis que les autres équipes ont vu leur personnel subir une baisse de salaire.

Otmar Szafnauer conclut : « Le moral est quand même très bon. Tout le monde est solidaire. Je pense que les gens comprennent le congé forcé, nous l'avons bien expliqué. Comme toute chose, s'il y a un peu de doute, et que vous ne pouvez pas prédire l'avenir ou s'il y a de l'incertitude, il y a de l'anxiété. Mais si vous pouvez expliquer l'incertitude et qu'elle devient comprise, l'anxiété disparaît et le moral reste élevé ».