Depuis toujours, la F1 évolue en direct alors que les écuries reçoivent un verdict sur leur travail avant, pendant et immédiatement après chaque course. La réactivité est donc de mise avec les nouveaux outils et l’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus présente chez les équipes de Formule 1 également. Pour preuve, l'écurie Racing Bulls a récemment annoncé qu'elle allait travailler avec la plateforme propriétaire "Engineering AI" de Neural Concept afin de compléter la dynamique des fluides numérique traditionnelle (CFD) grâce à des simulations prédictives ultra-rapides. Les ingénieurs peuvent donc utiliser des jumeaux numériques pour évaluer des milliers de variantes de conception dans des environnements "multi-physiques" complexes qui reproduisent les conditions réelles de piste, comme le vent et les variations de température. Cela permettra à Racing Bulls d’explorer davantage de concepts de conception de sa monoplace 2026, et au-delà.
On le sait déjà, les spécialistes affectés au design et au développement des voitures de F1 utilisent une panoplie de technologies pour concevoir, réaliser et développer une machine tout au long de sa vie utile, qui n’est généralement que d’une saison. Les principaux outils utilisés sont la conception originale assistée par ordinateur, la modélisation mathématique, les simulations de pilotage et les essais en piste (très limités à notre époque par le règlement). Tous font appel, à divers degrés, à l’IA.
Celle-ci agit comme la locomotive qui calcule tous les algorithmes en usage. Comparée aux systèmes d’il y a 5 à 10 ans, l’IA décuple presque à l’infini la vitesse de la capture et d’analyse pour une F1 courante qui comporte plus de 300 capteurs en course et allant jusqu’à 600 pour la capture des données aux essais.
La collecte de données assistée par l’IA offre des fréquences plus rapides, plus fine et précise, en plus grand volume. L’analyse plus raffinée à partir de plus de données permet ensuite de mieux comprendre ce qui se passe, et donc d’améliorer la performance et accélérer la correction d’erreurs.
Pour ce faire, les projets passent à travers une suite logique d’activités et d’applications par ordinateur. Après la conception originale simpliste, l’équipe passe à une série d’applications basées sur l’AI qui traitent des applications de plus en plus sophistiquées et puissantes : la conception assistée par ordinateur (CAD) et la conception de modèles mathématiques qui deviendront la base pour les simulations statiques et dynamiques de la machine, l’analyse par éléments finis (Finite Element Analysis – FEA) qui valide la solidité et la flexibilité planifiée.
La FEA donne aux ingénieurs un aperçu des systèmes à pleine charge : rigidité et flexion planifiées, résistance des matériaux et longévité, aidant ainsi à prendre des décisions de conception plus éclairées. On passe ensuite, toujours sur simulation avec l’IA, à la dynamique des fluides computationnels (Computational Fluid Dynamics – CFD). Cette application simule et analyse le comportement de tous les fluides utilisés sur la voiture ainsi que leur tuyauterie, températures et pressions. On parle ici de l’air extérieur affecté par la carrosserie et les divers ailerons, et mouvements internes dans l’admission du moteur à combustion interne, le refroidissement du moteur et des freins, les échangeurs de chaleur, les huiles-moteur des moteurs à carburant et électriques, des boites et engrenages, le liquide de frein, les graisses et autres lubrifiants, les mouvements dans la tuyauterie et les durites, les divers circuits et interfaces électroniques, et l’air de refroidissement des radiateurs. Rien que ça !
Vient ensuite la création des premières composantes, suivi de l’assemblage graduel, et le réglage final à l’aide des mêmes outils de conception assistée par ordinateur (Computer-Aided Design and Manufacturing - CDA/CAM) utilisés au début du projet.
La vitesse et l’exactitude des résultats permettent de comparer les solutions possibles et d’évaluer leur efficacité avant de les créer en réel et de les installer sur la voiture.
L’harmonisation parfaite des terminologies et mesures est essentielle pour produire des résultats fiables et crédibles. Il faut alors que les outils, les unités de mesure et les terminologies soient en accord exact, sinon les résultats ne sont que pollution indéchiffrable et difficile à rectifier.
Si l’on remonte au 20ᵉ siècle, on ne pouvait essayer qu’une seule solution ou pièce à la fois, sur la piste durant un week-end de course. À notre époque, l’augmentation de l’efficacité des équipes permet d’essayer différentes pièces, réglages ou solutions lors des essais du vendredi et du samedi, tout en obtenant des résultats instantanés.
Cet article ne traite pas des matériaux ni de la construction physique ou de l’assemblage des voitures, un sujet tout aussi avancé. Il démontre simplement que l’IA fait aussi progresser les équipes de F1 à une vitesse encore jamais vue, tout en ne venant pas augmenter le budget. Ce qui, alors que le plafond budgétaire des écuries est en vigueur, est appréciable.
À la clé, créer et optimiser une F1 de nos jours se "réduit" à établir une corrélation vérifiable et validée des résultats obtenus par un usage avancé des outils principaux : une soufflerie (voir notre article à ce sujet ici), un simulateur rapide et avancé sur les modèles et maquettes et un pilote capable – spécialisé même - de pousser la voiture à ses limites et de décrire exactement ce qui se passe auprès de l’équipe technique.
Cette équipe comprend entre autres des ingénieurs (ceux-ci dictent bien souvent au pilote les corrections qu’il doit apporter à son pilotage pour améliorer la voiture et non plus l’inverse), mathématiciens, physiciens, aérodynamiciens, chimistes, programmeurs, métallurgistes et spécialistes en composites, tacticiens de course et spécialistes en simulateurs physique du déroulement de la course, et ergothérapeutes. Mais performer en sort automobile de très haut niveau, comme l’est la F1, est à ce prix.
Comment l'Intelligence artificielle (IA) vient-elle au service des équipes de Formule 1 ?
Jeudi 28 août 2025 par Marc Cantin
Crédit photo: Digital Lighthouse / Red Bull Content Pool