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Rétro 1992: L’écurie March F1 se vend à rabais au GP du Canada à Montréal

Rétro 1992: L’écurie March F1 se vend à rabais au GP du Canada à Montréal

Lundi 9 juin 2025 par René Fagnan
Crédit photo: Archives Pole-Position / Photographe inconnu

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March était un constructeur de châssis roulants destinés à plusieurs catégories du sport automobile, allant de la Formule Atlantique à la Formule 1. March a roulé en F1 au début des années ’70, s’est retiré, puis y est revenu en 1987.

March recrute alors un jeune ingénieur de grand talent, Adrian Newey, qui conçoit la March 881 de 1988 et la CG891 de 1989. C’est à ce moment que le commanditaire principal de March F1, l’entreprise japonaise Leyton House, achète l’écurie. Les monoplaces de Newey sont performantes, mais manquent cruellement de fiabilité.

À la fin de l’été 1991, Akira Akagi, propriétaire de Leyton House, est impliqué dans un scandale financier impliquant la Fuji Bank au Japon et est arrêté. L’écurie de F1 se retrouve soudainement à court de financement. March en reprend le contrôle. Les CG911B à moteurs Ilmor, conçues par Chris Murphy qui a succédé à Newey, conservent la couleur turquoise, mais le maigre budget d’opération provient d’une multitude de petits commanditaires sporadiques : Blaupunkt, Rial, Rizla, DeLonghi, Sonax, Uliveto, Dos-Y-Dos et autres souvent liés à leurs pilotes, Karl Wendlinger et une recrue, Paul Belmondo.

Le début de la saison 1992 est catastrophique. Belmondo, très inexpérimenté, a du mal à sa qualifier. Les voitures cassent sans cesse et le meilleur résultat de l’écurie est une lointaine huitième place acquise par Wendlinger en Espagne. Les finances de l’équipe sont à sec quand le matériel est expédié depuis le Royaume-Uni vers Montréal pour y disputer le Grand Prix du Canada en juin.

La situation est si critique que les responsables de l’écurie ne savent même pas s’ils pourront retourner les voitures et le matériel en Europe après la course. Nick Underwood, qui cumule à ce moment-là les fonctions de vice-président marketing et de directeur de la publicité pour l'équipe, tente un gros coup de poker.

Underwood va à la pêche, et ça marche !

Il contacte le journaliste Ian McDonald du quotidien anglophone montréalais The Gazette. Il lui décrit la situation critique de son équipe, et précise qu'il y a des espaces publicitaires disponibles sur ses voitures à des prix relativement raisonnables. Underwood ajoute être à la recherche d'un restaurant qui pourrait être intéressé à nourrir la vingtaine de membres de l’équipe durant le week-end. « Je désire seulement qu’ils mangent à leur faim » affirme-t-il.

McDonald rédige un article qui paraît dans le journal et qui indique que l’écurie de F1 est disposée à vendre des espaces publicitaires sur ses voitures pour 3000$ chacun, et que pour 4000$, un annonceur peut avoir l'un des meilleurs emplacements. McDonald ajoute même dans son texte le nom de l’hôtel où réside Underwood ainsi que le numéro de sa chambre, la 812.

Contre toute attente et presque miraculeusement, de nombreux commerces et gens d’affaires de Montréal contactent Underwood et des ententes sont signées sur le champ.

Les deux March se couvrent d’autocollants bigarrés et peu ordonnés. On y retrouve les logos de Sport Rack, Bill Edwards’ Cheers, Robert Allan, Ville Marie Suzuki, Cellular One, Discount Rent-a-Car (qui fournit des minivans pour transporter les membres de l’équipe entre l’hôtel et le circuit Gilles-Villeneuve), Manager Jeans, Fasa Friction Laboratories Inc., Chalet Suisse et Bistro on the Avenue (ces deux dernières entreprises fournissant les repas à l’équipe).

Cet élan de solidarité spontané semble donner un coup de fouet à l’équipe. Wendlinger se qualifie en 12e position tandis que Belmondo réalise son plus bel exploit de la saison avec une 20e place sur la grille de départ. Wendlinger termine la course de 69 tours en quatrième position - une prouesse monumentale ! - tandis que le fils de l’acteur Jean-Paul Belmondo se classe au 14e rang.

La suite de la saison est plus morose et les deux pilotes sont remplacés par des concurrents qui apportent de l’argent : Emanuele Naspetti et Jan Lammers. À la fin de la saison 1992, March F1 cesse finalement ses activités.

Crédit photo: Internet / Artiste inconnu