Site officiel de Pole-Position Magazine - Le seul magazine québécois de sport automobile

www.Poleposition.ca

Site officiel de Pole-Position Magazine

Rétro : Les déboires de Porsche en série CART/IndyCar

Rétro : Les déboires de Porsche en série CART/IndyCar

Jeudi 5 décembre 2024 par René Fagnan
Crédit photo: Porsche Press

Crédit photo: Porsche Press

L’histoire de Porsche en série CART/IndyCar se résume à peu près à une confrontation entre un constructeur automobile allemand orgueilleux et les autorités sportives jalouses de préserver le patriotisme américain.

Durant les années ’70, la série USAC Indy est une affaire américaine. Les châssis sont des Wildcat, Parnelli, Eagle, Coyote, Lightning et autres tandis que les moteurs sont presque exclusivement des quatre cylindres moteur Offenhauser sauf quelques rares Cosworth DFX. Bref, du matériel américain à 95% et il n’y pas de constructeur automobile engagé.

Cependant, on assiste en 1979 à la scission entre USAC et des propriétaires d’écuries qui décident de former leur propre championnat, CART. L’écurie Interscope de Ted Field a l’idée d’installer un moteur six cylindres à plat Porsche modifié et issu d’une Porsche 935 d’IMSA dans un châssis IR01 afin de disputer les 500 Milles d’Indianapolis en 1980 avec le pilote Danny Ongais.

Lors d’une simulation de qualification effectuée sur l’ovale d’Ontario Motor Speedway, la IR01-Porsche atteint des moyennes au tour très élevées et démontre qu’elle pourrait peut-être même gagner l’Indy 500. A.J. Foyt, patriotique à l’extrême, est effrayé par cette invasion allemande et menace de quitter de giron de l’USAC pour celui de CART si la pression de suralimentation du moteur Porsche n’est pas abaissée de 1,8 à 1,6 bar. USAC accepte de modifier le règlement et le projet Interscope-Porsche est abandonné.

Un nouvel espoir

Porsche revient à la charge fin 1986 avec le projet de fabriquer une voiture 100% Porsche afin de disputer le championnat CART et l’Indy 500. Porsche vient de tout rafler en Formule 1 avec son moteur TAG turbo et domine aussi en Endurance. Les dirigeants et les ingénieurs allemands sont orgueilleux et même s’ils n’ont aucune expérience des ovales, ils décident de tout faire eux-mêmes.

Le projet 2708 est dirigé par Norbert Singer, l’ingénieur qui a travaillé sur les Porsche 917, 935, 956 et 962, mais qui n’a aucune connaissance des monoplaces. Quant à Hans Mezger, il a la responsabilité de produire un moteur V8 turbocompressé de 2,65 litres alimenté au méthanol.

Si l’usine Porsche produit la voiture, le programme sportif est confié à Al Holbert, trois fois vainqueur des 24 Heures du Mans et directeur des activités sportives de Porsche aux États-Unis. Il y a immédiatement un grain de sable dans l’engrenage, car Holbert ne croit pas au potentiel du châssis 2708, ayant préféré que le moteur Porsche soit installé dans un châssis connu et éprouvé provenant de Lola ou March.

La Porsche est inscrite aux deux dernières courses de la saison 1987. Al Unser père parvient à se qualifier de justesse à Laguna Seca et abandonne après seulement sept tours à cause du bris de la pompe à eau. Holbert prend le volant de la Porsche lors de la course suivante à Tamiami Park. Selon Jochen Mass qui était présent, Holbert roule intentionnellement lentement afin de prouver que le châssis 2708 est mauvais. À Weissach on croit Holbert et on commande un châssis March.

Pour la saison 1988, Holbert prend la décision de recruter Teo Fabi, et non pas Mass, pour piloter la March 88P à moteur Porsche et commanditée par les huiles Quaker State. La mise au point du moteur est longue et complexe. Fabi se qualifie 18e à Indy et abandonne en course après un accident. Son meilleur résultat est une quatrième place à Nazareth.

Le 30 septembre 1988, Holbert se tue dans un accident d’avion, ce qui met le projet en péril. Porsche recrute alors Derrick Walker qui vient de chez Penske. Le V8 Porsche progresse grâce à l’utilisation d’une centrale de gestion électronique plus performante.

L’écurie inscrit une March 89P-Porsche et Fabi inscrit deux pole positions, une victoire à Mid-Ohio et une seconde place sur l’ovale de Michigan pour se classer quatrième au championnat. À l’Indy 500, Fabi se qualifie 13e, mais abandonne à la suite d’un bris mécanique.

Tous contre Porsche

Les dirigeants de Porsche sont satisfaits des progrès effectués et donnent le feu vert pour engager deux voitures en 1990 pour Fabi et John Andretti. Les ingénieurs de Porsche North America repèrent une faille dans la règlementation technique de 1990 qui leur permet d’obtenir un avantage technique sur leurs rivaux. En collaboration avec March, Porsche produit le premier châssis CART fabriqué entièrement en fibre de carbone, sans renforts en aluminium. Cependant, toutes les autres écuries avaient compris que cela ne serait pas autorisé avant 1991.

Malheureusement pour Porsche, CART est une association d’écuries et toutes les décisions sont prises en comité. Lorsqu'on leur demande de se prononcer sur cette zone grise du règlement, les écuries s'opposent à Porsche, prétextant que cette 90P n’est pas sécuritaire. Est-ce une décision politique ?

Interdit de compétition, le châssis 90P doit être modifié en catastrophe avant le début de la saison. Évidemment, la voiture est un cauchemar à mettre au point. Si Fabi décroche la pole position dans les rues de Denver, son meilleur résultat est une troisième place à Meadowlands. Quant à Andretti, il récolte deux places de cinquième et une de sixième.

Insatisfait des résultats obtenus et insulté par la décision tardive de CART de refuser la 90P, Porsche décide de tout arrêter et quitte la série.