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F1, Indy 500, Le Mans : Graham Hill, le pilote à tout faire (Partie 2)

F1, Indy 500, Le Mans : Graham Hill, le pilote à tout faire (Partie 2)

Mercredi 28 février 2024 par Marc Cantin
Crédit photo: Galeron

Crédit photo: Galeron

Jusqu’aux années 1970, les pilotes de F1 couraient souvent dans d’autres séries afin de garder la main, de bâtir leurs connaissances et leur expérience et, souvent, pour arrondir leurs fins de mois. En plus de ses succès en F1, Graham Hill a su  tirer profit de ces activités. Encore aujourd’hui, il est le seul dans l’Histoire du sport automobile à avoir cumulé titre mondial en F1 (1962-68), victoire aux 500 milles d’Indianapolis (1966) et aux 24 Heures du Mans (1972). Et pour les personnes qui croient que la fameuse Triple couronne concerne plutôt le Grand Prix de Monaco que le titre mondial de F1, impossible d’enlever le légendaire pilote anglais des tablettes là-encore puisqu’il s’est imposé pas moins de 5 fois dans la Principauté !

Après avoir évoqué sa carrière en F1 dans la première partie de ce texte, place à deux exploits qui ont définitivement fait entrer Graham Hill dans la légende…

Indianapolis 1966, victoire devant Jim Clark !

En parallèle à son programme de F1 avec BRM, Hill accepte en 1966 de participer aux 500 milles d’Indianapolis à bord d’une Lola de l’équipe du Texan John Mecom. Jim Clark (Lotus-Ford), lauréat de l’édition précédente, et Jackie Stewart, sur Lola-Ford de Mecom lui aussi et qui est comme Hill recrue à l’épreuve, sont aussi de la partie.

Dès le 1er tour, un carambolage dans le peloton entraîne l’abandon de pas moins d’un tiers des partants (11 pilotes sur 33), dont le Canadien Billy Foster. Qualifié 15ème, Graham Hill échappe au désastre, tout comme Mario Andretti (qualifié en pole position avec sa Brawner-Ford), qui verra son moteur exploser après seulement 27 tours.

Stewart domine la course avant qu’une perte de pression d’huile n’impose son abandon à 2 tours de la fin, laissant Hill et Clark s’expliquer pour la victoire. Hill s’impose tandis que l’équipe de Clark crie au scandale, estimant que l’Écossais aurait bouclé un tour de plus que son rival (que les officiels auraient oublié de comptabiliser lors d’un arrêt aux puits) et serait donc le vainqueur. Le fait ne sera jamais prouvé et Graham Hill ne verra jamais sa victoire être remise en question par les instances dirigeantes d’Indianapolis.

Quoi qu’il en soit, Graham n’avait pas volé ce triomphe, sachant laisser sa marque avec ce gain historique bien sûr, mais aussi par sa stratégie de course et son sens de l’humour hors-piste ! À un journaliste qui lui demande sa première impression lorsqu’il entre au Indianapolis Motor Speedway, il répond : « The Bogs. Terrible, really! » (Les toilettes sans porte individuelle à chaque siège. Incroyable). Le lendemain matin, les toilettes dans les puits et les garages disposaient toutes de portes… qui allaient disparaître le mardi matin (l’épreuve eut lieu le lundi 30 mai 1966).

Au banquet du mardi soir, alors que les commentaires entourant le nombre de tours de Clark faisaient encore débat, Hill mentionna : « J’avais entendu dire qu’il y avait souvent de tels problèmes ici et j’ai donc décidé d’amener deux comptables écossais pour m'aider », montrant alors les deux "comptables" (Clark et Stewart) assis avec lui et pliés en deux !

Graham Hill encore disputa deux autres courses IndyCar de la série USAC sur ovale, sans succès. Puis, un terrible accident au Grand Prix des États-Unis 1969 couru à Watkins Glen, causa des blessures à ses jambes dont il ne revint jamais à 100%, le poussant alors plus rapidement vers la retraite et la construction de sa propre équipe.

Le Mans 1972, avec Henri Pescarolo sur Matra

Henri Pescarolo est malheureux à quelques semaines de l’édition 1972 des 24 Heures du Mans. Les prototypes Matra-Simca MS670 se portent bien, avec fiabilité et performance au rendez-vous pour cette année alors que les Porsche 917 et Ferrari 512 sont bannies de la course par un nouveau règlement moteur. Mais les équipages sont formés chez Matra et il manque un équipier au grand Henri.

Trois des quatre Matra-Simca MS670 inscrites sont dédiées à de jeunes et rapides pilotes : Chris Amon/Jean-Pierre Beltoise, François Cevert/Howden Ganley et Jean-Pierre Jabouille/David Hobbs. Graham Hill est alors élu pour être ce 8ème pilote Matra. L’ex-champion du monde est encore rapide, mais un peu délaissé en vitesse pure par les jeunes et… par Henri lui-même, qui craignait avant le départ devoir faire "toute la job" et voir Hill manquer de motivation aux commandes de ce prototype Matra avec son moteur V12 à la sonorité exceptionnelle.

C’était mal connaître le vieux loup. Une fois la course lancée, "Pesca" peut oublier son préjugé : Hill (en action sur la photo ci-dessus) pilote sans-faute, il est rapide sur le sec comme sur la pluie, ne martyrise pas la mécanique, est bon stratège et aussi, beau joueur. Car voyant l’arrivée - et la victoire - se dessiner pour le duo, Graham Hill insiste pour que Pescarolo soit au volant pour traverser la ligne en vainqueur tout français : pilote, Matra, Simca, Elf. La 1ère victoire de Matra au Mans ! Une photo, un geste et une victoire qui ont fait d’Henri Pescarolo et de Graham Hill des héros nationaux.

En F1 comme en IndyCar ou en Endurance, Graham Hill était doux sur la mécanique et ne commettait que très rarement des erreurs; tout pour plaire à une équipe, surtout en endurance mondiale. Les manufacturiers engagés dans cette discipline ont de tout temps recherché de tels pilotes pour améliorer les résultats et tirer profit de leurs investissements en alignant des voitures rapides et très fiables. Graham Hill demeurait une valeur sûre à ce niveau.

Seul pilote à avoir remporté la Triple couronne qu’il détient depuis plus de 50 ans maintenant, aurait-il réussi à amener sa petite équipe de F1, Embassy Hill Racing, au sommet, à l’image d’un Frank Williams à la fin des années 1970 ? L’accident d’avion (Graham Hill en était le pilote et n’avait plus sa licence !) survenu le 29 novembre 1975 au retour d’une séance d’essais libres au circuit du Castellet n’a jamais permis d’apporter la réponse.