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Historique : L’histoire de l’échec du Grand Prix de Hull

Historique : L’histoire de l’échec du Grand Prix de Hull

Mercredi 26 juillet 2023 par René Fagnan
Crédit photo: Archives Autocourse.ca

Crédit photo: Archives Autocourse.ca

Les années 1980 et 90 ont été extrêmement fertiles en événements de sport automobiles au Canada. On peut noter les Grands Prix du Canada, de Granby, de Trois-Rivières, de Québec et autres. Toutefois, un projet visant à faire revenir les voitures de course dans la région de la capitale nationale ne s’est pas concrétisé. Il s’agit du Grand Prix de Hull de l’ancien nom de la ville située en face d’Ottawa et désormais connue sous le nom de Gatineau.

Après avoir disputé des courses sur l’ancien aérodrome militaire ontarien de St. Eugene, les concurrents ont pu participer au premier et unique Grand Prix d’Ottawa tenu le 1er juillet 1970 sur l’aéroport d’Ottawa-Rockcliffe. Après cette édition, les voitures de course canadiennes ne sont pas revenues dans la région d’Ottawa jusqu’à ce qu’un autre projet de circuit soit discuté.

À l’automne 1992, Don Skelton, un fonctionnaire du gouvernement fédéral et président du Chelsea Autosport Inc., a l’idée de présenter une course automobile de statut international dans les rues de la ville de Hull. Skelton s’entoure de personnes de confiance comme le vétéran Ronald Woltman, président du MCO, ancien pilote de Formule 1600 qui a aussi été commissaire émérite et directeur de course. C’est aussi un collègue de travail de Skelton.

L’idée de cet événement est venue à Skelton avec la tenue du Moosehead Grand Prix à Halifax en Nouvelle-Écosse qui avait présenté une manche de la série britannique de Formule 2 ainsi que des épreuves des séries canadiennes. La F2 britannique mettait en vedette des monoplaces de Formule 3000 (similaires à des anciennes F1 propulsées par des moteurs Ford Cosworth DFV bridés).

Skelton désire alors profiter de la venue des monoplaces de F2 britannique au pays pour tenir une deuxième épreuve en sol canadien, ce qui permettait le diviser les coûts de transport entre les deux organisations.

Un circuit urbain en forme de 8

La date retenue est celle des 24, 25 et 26 juin 1994 et le tracé proposé du circuit urbain de Hull, long de 2,48 kilomètres, est situé entre les ponts du Portage et MacDonald-Cartier. Il emprunte le boulevard Maisonneuve, la rue St-Laurent (désormais Boulevard des Allumetières), la rue Laurier, Hôtel de ville, Promenade du Portage, rue Laval et reprend la rue Laurier. Fait unique, comme le circuit de Suzuka au Japon, il possède une forme en 8, la piste utilisant un viaduc pour passer au-dessus d’elle-même.

Une fois ce tracé élaboré par Woltman (certaines bâtisses gouvernementales qui bordent le parcours doivent servir de garages) les négociations débutent. Roger Peart, alors patron d’ASN Canada FIA et concepteur du circuit Gilles-Villeneuve à Montréal, se rend à Hull pour examiner le tracé et donner son approbation.

Le comité organisateur du Grand Prix de Hull reçoit l’aval du Conseil municipal de Hull. Le maire de la ville à cette époque, Yves Ducharme, donne aussi son feu vert et approuve le budget pour le pavage des rues, le montage des murets de béton et des grillages et assurer la sécurité des spectateurs.

David Berman de Canspan confirme aussi la tenue d’une manche de l’Enduroserie et de la Formule 1600 nationale. La Fédération Auto Québec assure aussi la participation des séries Sedan GT et Formule 1600 québécoise.

Woltman est un très bon ami de Terry Dale, le bras droit de John Graham, promoteur du Grand Prix d’Halifax. Woltman est alors mis en contact avec le promoteur du la Formule 2 Britannique.

Skilton et Woltman rencontrent les dirigeants de la F2 au début de juillet 1993, une semaine avant la course du Moosehead Grand Prix à Halifax prévue pour le 11 juillet. Le coût exigé pour faire venir les monoplaces de F2 à Hull est de 35 000$ et les promoteurs exigent un dépôt de 15 000$.

Skilton lance une excuse fiscale bidon avec la ville de Hull pour ne pas payer une telle somme, et le montant du dépôt baisse soudainement à 10 000$. Woltman effectue le dépôt via sa marge de crédit personnelle. Est-il nécessaire de préciser que ce trou de 10 000$ dans le budget familial de Woltman n’est pas passé inaperçu…

Woltman met de la pression sur Skilton afin d’en savoir plus sur l’avancement du projet. Il va directement à l’hôtel de ville de Hull pour en apprendre plus sur le montage financier. La ville de Hull appuie bel et bien ce projet, mais Woltman découvre que Skilton est un excellent vendeur sans un sous. Bref, comment organiser un événement sportif d’une telle ampleur sans un financement solide ?

Woltman se rend bien compte qu’il a commis une grave erreur en avançant l’argent du dépôt sans avoir obtenu de garanties concrètes et écrites. Il se retire du projet et contacte le promoteur de la F2 britannique pour se faire rembourser. Il le sera presque un an plus tard. Il est terriblement chanceux, car le championnat de F2 britannique a cessé ses activités et fermé ses portes à la fin de la saison 1994. Le Grand Prix de Hull n’a donc jamais eu lieu.


Nos remerciements à Dominic St-Jean, véritable archiviste de l’histoire du sport automobile canadien, pour son aide à documenter cet article.