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La Brabham BT52-BMW turbo de 1983 en forme de flèche - La plus belle de toutes ?

La Brabham BT52-BMW turbo de 1983 en forme de flèche - La plus belle de toutes ?

Jeudi 5 mai 2022 par René Fagnan
Crédit photo: René Fagnan

Crédit photo: René Fagnan

Conçue pour disputer la saison 1983 du Championnat du monde de Formule 1 - la première année marquée par l’interdiction de l’effet de sol et des jupes mobiles - la Brabham BT52 à moteur BMW turbo a non seulement permis à Nelson Piquet de remporter le titre mondial, mais cette monoplace était assurément la plus belle de la saison.

Oui, je sais, certains lecteurs argumenteront vite que le titre de Piquet et de Brabham a été acquis dans des circonstances nébuleuses avec l’emploi d’un carburant vraisemblablement non-conforme. Cette affaire sera le sujet d’un autre texte à venir.

Pour Brabham et toutes les écuries de F1, la saison 1983 a pris une tournure inquiétante quand fin octobre 1982, la FIA a interdit l’effet de sol et les jupes mobiles. Le premier Grand Prix de la saison 1983 était prévu le 13 mars au Brésil. Sous l’ordre de Bernie Ecclestone, Gordon Murray, le concepteur des Brabham, venait tout juste de dessiner et de faire fabriquer la BT51 à effet de sol. Cette voiture était donc irrémédiablement illégale, et Murray dû, avec l’aide de David North, dessiner et produire une toute nouvelle monoplace en à peine trois mois.

Sans jupes ni effet de sol, les voitures perdaient 75% de leur appui aérodynamique, ce qui était énorme. Murray s’est donc mis à travailler 18 heures par jour pendant trois mois, bien soutenu par un cocktail de médicaments…

Il s’était appuyé sur deux principes : concevoir une voiture possédant un petit réservoir d’essence, car les ravitaillements étaient permis, et déplacer une bonne partie du poids de la voiture vers l’arrière.

Paul Rosche de BMW avait confié à Murray que le moteur quatre cylindres turbo de 1500cc avait énormément progressé depuis la fin de la saison 1983 et qu’il pouvait en tirer 1000 chevaux en mode qualification et plus de 750 en mode course. Ce moteur BMW M12/13 était gavé par un énorme turbo KKK et son bloc en fonte provenait de voitures usagées et même accidentées. Bien rodés avec plus 100 000 km au compteur, ces blocs possédaient une rigidité et une imperméabilité exemplaires.

Des gros ailerons

Pour faire passer au sol la puissance et le couple élevé du BMW, Murray a déplacé tout ce qu’il pouvait vers l’arrière, changeant la répartition des masses de 7,5%. Toutefois, il devait résoudre le problème causé par la disparition de 75% de l’appui au sol, car la FIA avait obligé les voitures de F1 à posséder un fond parfaitement plat dans l’espace situé sous la voiture entre la tangente arrière des pneus avant et la tangente avant des pneus arrière.

« Je savais que nous n’avions pas le temps d’effectuer beaucoup d’essais en soufflerie. J’ai donc éliminé les pontons et décidé de générer de l’appui qu’avec des ailerons conventionnels. Je savais bien qu’ils allaient produire énormément de traînée aérodynamique, mais je n’avais pas le choix et le moteur était très puissant. C’est pour cette raison que la BT52 a cette forme de flèche » raconte Murray.

Lui et North ont dessiné une voiture très étroite, effilée et pointue afin de bien alimenter l’aileron arrière. D’ailleurs, les ailerons arrière et avant étaient non ajustables. Seul un peaufinage de l’appui pouvait être effectué à l’aide de petits volets à l’avant.

Le duo d’ingénieurs réalise une monocoque dont la moitié supérieure est fabriquée en fibre de carbone tandis que le bas est en panneaux d’aluminium. La BT52 est aussi la première voiture de F1 de posséder un arceau de sécurité entièrement fait en fibre de carbone ; une sorte d’extension de la monocoque.

À l’extrémité avant, Murray dessine un couple en magnésium coulé d’une pièce et d’une épaisseur de 200 mm. Boulonné à l’avant de la monocoque, ce couple incorpore la crémaillère, le support du pédalier et des maîtres-cylindres, et les culbuteurs de suspension.

Puisque la BT52 peut ravitailler en course, Murray intègre un petit réservoir d’essence, ce qui lui permet de positionner le pilote un peu plus vers l’arrière. Puis, afin l’alourdir l’arrière de la voiture, il place le radiateur et les énormes échangeurs d’air de part et d’autre du moteur. La transmission possède un carter réalisé par Brabham, des pignons Hewland et un différentiel Weismann. Les disques de freins sont des Girling en carbone et les suspensions sont en tubes d’acier très fins.

Murray voulait faciliter le travail des mécaniciens, d’autant que les moteurs BMW avaient tendance à exploser à tout moment, surtout lors des qualifications. Afin de changer de moteurs rapidement, tout le train arrière - moteur, transmission, radiateurs, échangeur de température, suspension, arbres de transmission, tuyauterie et échappement - était complet et pouvait être changé en très peu de temps.

Pour terminer, la décoration de la BT52 était sublime. La carrosserie était fabriquée en fibre de carbone. Toutefois, elle n’était pas peinte ; la peinture était incorporée dans la résine lors de la fabrication. Murray dit qu’il économisait quatre kilos de peinture avec cette procédure. Il ne restait qu’à ajouter les décalques des commanditaires

Pilotées par Nelson Piquet et Riccardo Patrese, les BT52 et BT52B (une version améliorée apparue en cours d’année) ont récolté quatre victoires en 15 épreuves en 1983.