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Petit historique des débuts du karting de compétition au Québec

Petit historique des débuts du karting de compétition au Québec

Jeudi 10 décembre 2020 par René Fagnan
Crédit photo: Facebook Luc Stang

Crédit photo: Facebook Luc Stang

Le véritable karting de compétition, et non ces étranges machines à moteurs de tondeuses créées aux États-Unis, est apparu au Québec au cours des années 70. Ce sport a permis à des milliers de fans de course automobile de goûter aux joies de la vitesse, des dérapages et des luttes en peloton, des sensations jusqu'alors réservées à ceux et celles, peu nombreux, qui pouvaient rouler sur les rares circuits automobiles.

Je n’ai pas du tout l’intention ici de brosser un portrait complet de l’histoire du karting au Québec. J’en oublierais des bouts, peu connus. Je désire me concentrer sur ce qui fut le véritable essor de ce sport fort méconnu à cette époque. Je m’excuse donc immédiatement d’omettre de parler de certaines catégories ou certains championnats locaux.

L’année des vrais débuts du karting ici est floue. En effectuant des recherches, on note que certains passionnés ont commencé à disputer des courses avec des go-karts importés des États-Unis ou fabriqués par les coureurs eux-mêmes. Cela demeurait toutefois très privé.

C’est au milieu des années 70 que les premiers karts de compétition européens ont commencé à être importés au Québec et en Ontario, là où des championnats pour des karts américains à moteur McCulloch étaient déjà populaires.  
Qui d’autre que Philippe Daoust peut bien nous raconter cette histoire. Daoust a été successivement pilote, président du club CKM (Club de karting de Montréal), assistant directeur de la commission de karting et enfin directeur technique de la Fédération Auto-Québec.

« Jeune, j’étais un fan inconditionnel de course automobile. En 1977, j’ai assisté à ma première course de karting sur une piste de location à Sainte-Marthe-sur-le-Lac. Ce fut une révélation. Puis, mon chum Philippe Charuest s’est acheté un kart de Guido Lombardi qui avait son garage sur la rue Jean-Talon, et j’ai fait comme lui ! Je l’ai acheté pour 1350$, complet avec le moteur et des pneus, prêt à rouler, de Charles Lorca (Centre du karting à Dorval)» me raconte Daoust. 

Le marché du kart de compétition neuf était alors très limité. « Au début, tout venait des importateurs ontariens à Goodwood et à Picton avec des châssis Birel, Zip, BM, Deavinson et Marguay. Au Québec, ce sont Clem Duriez de Mount St-Hilaire Kartway, et Charles Lorca et qui ont été les pionniers » m’explique Charuest.

« Par la suite, il y a eu deux forces en présence : les Italiens menés par Roberto Dionisi et ses DAP, et l’autre, mené par Lorca avec Richard Fugère. Les principaux châssis étaient des Tecno, DAP et Birel, et les moteurs étaient des Sirio, DAP, Komet et Parilla » ajoute Daoust.

Les tubes et un moteur

Les karts étaient d’une simplicité désarmante : des tubes, un siège, un volant, pas de carrosserie, un frein à disque mécanique sur l’essieu arrière, des pneus lisses étroits et ultra durs, et un moteur deux-temps de 100cc, refroidi à air et alimenté par un carburateur Tillotson de 22,5mm et direct-drive (sans embrayage). Rien de sophistiqué. Même pas de filtre à air !

Avec un poids de 285 livres avec le pilote et une puissance de près de 18 chevaux à 17 000 tours/minute, ces karts se pilotaient tout en dérapage, un peu comme en rallye. « Au début, nous utilisions des pneus Goodyear Blue Streak, bon pour 100 000 km (LOL) et nécessitaient six à huit tours à chauffer » rigole Charuest. Et ce n’était pas la mode des remorques fermées ! « J’allais aux courses avec mon kart dans le coffre de mon gros Chevrolet Impala... » précise Daoust.

En 78-79, les pistes visitées furent celles du centre commercial Fairview, du circuit de location des frères Jafrate à Ste-Rosalie, St-Jovite, le paddock du circuit de Trois-Rivières, le centre de l’ovale de l’autodrome St-Eustache, les rues de St-Léonard, et Quyon en Ontario (la liste n’est pas complète). Il n’y avait à peu près pas de circuits permanents hormis celui du Mont-St-Hilaire. « Pour une raison que j’ignore, Clem Duriez ne voulait pas vraiment présenter des courses de la FAQ. Peut-être parce qu’il organisait son propre championnat local avec les classes Honda, F100 Yamaha et deux moteurs » suggère Daoust. 

Il ajoute : « Je n’étais pas un très bon pilote, mais bon organisateur. Fin 1978, j’ai fondé le CKM avec Diane Thérien et Chap (Charuest). D’autres clubs ont ensuite été créés et je suis passé à la FAQ qui a pu organiser un premier vrai championnat provincial en 1980 » ajoute Daoust. Les grilles de départ se sont progressivement étoffées et malgré l’absence d’un commanditaire titre, le championnat s’est promené dans toute la province avec une dizaine de courses présentées à Rimouski, St-Bruno, Québec, Laval, Trois-Rivières, Rivière-du-Loup et une finale disputée sur le parking de l’Île Ste-Hélène et filmée par la télé communautaire.

« J’avais développé un deuxième sens. Quand je voyais un parking de centre commercial, j’imaginais le circuit qu’on pouvait y tracer » confie Daoust.

Soyons parfaitement honnête : le karting de cette époque n’a pas formé de grands champions. « Il y a bien eu des gars comme Lindsay Riddell et Richard Laporte qui ont fait de la course automobile par après, mais le but de la fédération était plutôt de démocratiser le karting et de le faire connaître. Gilles Villeneuve courait en F1 et tout le monde trippait sport auto. Gilles était une vive source d’inspiration et plusieurs désiraient goûter au sport automobile. Notre but n’était pas forcément de trouver le prochain pilote québécois de F1. Nous voulions faire connaître le sport et le développer, et avoir un maximum de participants » ajoute Daoust.

Simultanément, au début des années 80, un trio formé du journaliste Gilles Bourcier, de l’importateur TM Remo Tagliani et du carrossier Francis Cardolle met sur pied un championnat de kart 125cc à boîte six vitesses, justement destiné à former les champions du futur. Par contre, cette catégorie décide de ne pas intégrer le karting de la FAQ à ses débuts et présente ses courses sur des circuits routiers automobiles. « Nous n’’étions pas en guerre, mais j’ai passé des heures interminables à discuter avec ces personnes » affirme Daoust. « Nous n’avions pas la même philosophie du sport. Il y régnait certains conflits d’intérêts et un climat assez dictatorial. Mais par la suite, les choses se sont arrangées et la F125 a rejoint la FAQ. »

Puis, afin de maximiser la participation, la FAQ a créé d’autres catégories, comme les classes à moteur quatre-temps junior et sénior, la classe Internationale et la 125cc qui a joint les rangs. Des pistes permanentes répondant aux normes de la FIA-CIK ont commencé à être construites un peu partout au Québec et l’intérêt envers le sport automobile a pris de l’ampleur avec l’arrivée en scène de Jacques Villeneuve, le fils de Gilles. 

Aujourd’hui, même si un kart est devenu extrêmement sophistiqué, il demeure sans contredit une machine sans égal pour débuter en sport automobile et goûter à l’ivresse de la vitesse !

Crédit photo: René Fagnan