Le sergent détective montréalais André Thibault a inscrit son nom dans le livre des records Guinness lorsqu’il a remporté la victoire lors de l’Endurance mondiale automobile Molson sur le circuit de Sanair le mardi 23 septembre 1980.
Cette épreuve d’endurance physique a germé dans le cerveau de Jacques Guertin qui était alors le propriétaire du complexe motorisé de Sanair à St-Pie-de-Bagot. Guertin avait remarqué qu’il existait un record mondial pour la plus longue randonnée à moto (30 heures), mais il n'existait pas d'équivalent en automobile.
Il décide d’organiser une épreuve d’endurance dans laquelle des conducteurs automobiles rouleraient sur son circuit routier le plus longtemps possible et qui se terminerait quand le dernier compétiteur en piste décidait d’abandonner. Michel Mailloux, directeur de la promotion à la brasserie Molson, donne son appui financier au projet, surtout motivé par le fait que cette épreuve et son vainqueur seront ajoutés au livre des records Guinness qui était alors vendu à plus de 45 millions d’exemplaires dans le monde.
Les règles étaient assez simples. Un seul conducteur doit conduire, donc pas de remplaçant. L’inscription coûtait 300$ et incluait la nourriture, l’essence et 12 laisser-passer. Tout véhicule fermé à quatre roues pesant moins de 6600 livres (3000 kilos) était éligible. Durant la compétition, il était interdit de soulever le capot, d’ajouter de l’huile ou tout lubrifiant, et chaque concurrent n’avait droit qu’à une seule crevaison. Le port d’un casque était obligatoire. L’alcool et les drogues étaient interdits, et des tests antidopage allaient être effectués.
La cadence minimale était de 30 tours à l’heure du circuit routier de deux kilomètres, soit une vitesse moyenne de 60 km/h. Les arrêts étaient limités à deux minutes par heure de conduite, mais étaient accumulables. Lors des arrêts, il était seulement possible de manger, d’aller aux toilettes et de faire le plein d’essence. Pour terminer, le gagnant allait recevoir un chèque de 10 000$ (soit l’équivalent de 37 000$ aujourd’hui). L’ACAM (Association des coureurs automobiles de Montréal) allait fournir les officiels et les chronométreurs.
30 heures ? Non, 84 !
À huit heures du matin le samedi 20 septembre 1980, 190 participants prennent le départ de cette compétition. On croit alors qu’elle va durer entre 24 et 30 heures, en tout cas moins de 48 heures.
Tout se déroule bien en dépit de tentatives de tricherie ou de favoritisme envers certains compétiteurs. Mais lundi avant-midi, après 56 heures de roulage, il y a encore 39 voitures en piste ! Pour maintenir les conducteurs éveillés, certaines équipes discutent avec eux à l’aide de walkies-talkies.
Mardi matin, après plus de 72 heures de conduite, quatre concurrents sont encore en piste : André Thibault, Marc Dancose, Julien Lussier et Denis Lafortune. Ces deux derniers abandonnent peu après. La victoire se joue donc entre deux coureurs automobiles expérimentés : Thibault, sergent détective à la police de Montréal et pilote d’une Porsche 911 en circuit routier, et Marc Dancose, médecin, pilote de la série Honda, habitué de travailler durant de très longues heures aux urgences des hôpitaux.
En début de soirée, après avoir roulé durant 84 heures 18 minutes et 40 secondes Dancose, au volant d’une Honda Civic 1980, est disqualifié. Même s’il était guidé par radio par son épouse, il a commis une fausse-manœuvre qui fut immédiatement sanctionnée. « Je me suis endormi pour être soudainement réveillé. J’ai freiné, mais j’ai reculé, ce qui est interdit. Je suis peiné, mais pas déçu » a raconté Dancose au journal La voix de l’Est.
Thibault, au volant de sa Porsche 911S de 1968, a continué à rouler et a arrêté le chronomètre à 84 heures 25 minutes et 12 secondes. « Je n’ai jamais douté de ma victoire. Mon métier exige que je travaille la nuit et souvent plus de 20 heures par jour. Il arrive que je travaille durant deux jours consécutifs sans dormir » de dire le vainqueur dans le journal précédemment cité.
« Au début, je craignais d’avoir un accident, car il y avait beaucoup de voiture en piste. Mardi midi, je ne reconnaissais plus le circuit. Je n’arrivais plus à me concentrer. J’ai donc décidé de dormir durant 30 minutes, soit de 13h30 à 14h, car j’avais du temps accumulé. Je suis reparti et tout a bien été ».
Jacques Guertin reconnaît qu’il y a eu des controverses : changements de conducteurs, temps de repos non respectés et prises de substances. « Nous n’avions pas assez d’officiels pour tout surveiller. Il n’y a qu’une poignée d’individus qui a tenté de tricher. Le manque d’honnêteté de certaines équipes m’a vraiment révolté. Je félicite toutefois ceux qui ont suivi les règlements à la lettre » avait déclaré le patron du circuit de Sanair.
Qu’a fait Thibault avec les 10 000$ ? Il a fait rénover sa maison et son chalet, et a effectué un voyage. C’est fou ce qu’on pouvait faire avec 10 000$ à cette époque !
La photo ci-dessus montre Marc Dancose (à gauche) et André Thibault. Ce dernier fait vérifier sa pression artérielle après la course.
Rétro 1980 : 84 heures passées au volant, la fameuse histoire de l’Endurance mondiale de Sanair
Vendredi 17 octobre 2025 par René Fagnan
Crédit photo: Archives Montréal-Matin