Site officiel de Pole-Position Magazine - Le seul magazine québécois de sport automobile

www.Poleposition.ca

Site officiel de Pole-Position Magazine

Les grands moteurs de course : Le Desmo de Mercedes, imbattable en 1954 et 55

Les grands moteurs de course : Le Desmo de Mercedes, imbattable en 1954 et 55

Mercredi 1er février 2023 par Marc Cantin
Crédit photo: Daimler A.G.

Crédit photo: Daimler A.G.

Après la Seconde Guerre mondiale, Mercedes voulait revenir aux sports automobiles le plus tôt possible. L’équipe maison effectua ce retour en voitures de sport avec les premières W194 (dites 300SL aux portes en ailes de goéland), aux 24Heures du Mans de 1952. Mais gagner en Endurance ne satisfaisait pas la haute direction qui voulait plutôt revenir en Grand Prix et remporter le Championnat du Monde de Formule 1, lancé par la FIA en 1950.

Mercedes réanima donc les meilleurs éléments de son équipe de Grand Prix d’avant-guerre, autour du directeur sportif Alfred Neubauer (en poste de 1926 à 1955) et le directeur technique Rudi Uhlenhaut (de 1936 à 1939 et de 1948 à 1972).

Rudi Uhlenhaut conçut donc les W196R (F1) et S (Sport biplace pour l’endurance), très proches de la R. Tous deux disposaient du moteur M196 en appliquant ses concepts selon l'approche bien allemande : matériaux avancés, presque incassables, plusieurs nouvelles idées; à savoir tambours de freins trop gros pour les placer à l’intérieur des jantes et donc montés sur le châssis, frein aérodynamique escamotable à l'arrière pour Le Mans, injection mécanique et allumage Bosch, finition irréprochable, préparation obsessive et essais jusqu’à l’atteinte de la perfection.

Le moteur M196 est en fait deux quatre cylindres réunis dos à dos par la prise de puissance coordonnée pour en faire un 8 cylindres en ligne qui distribue mieux la puissance et les vibrations sur deux vilebrequins plus courts. L'usage de deux vilebrequins à 4 cylindres accouplés est plus complexe, plus précis et plus solide, mais aussi plus dispendieux qu’un vilebrequin en un morceau. On pouvait aussi déphaser les manetons ou ajouter des contre-poids pour réduire les vibrations, ou encore changer la séquence d’allumage et gérer le couple selon la piste utilisée.

Rudi Uhlenhaut, le directeur du projet, a toujours fait appel aux meilleures composantes pour le groupe propulseur : injection mécanique, opération desmodromique des soupapes, bloc penché à 37 degrés à l’horizontale afin de réduire la hauteur du capot et la surface frontale, boîte à 5 rapports intégrée au différentiel, et suspensions indépendantes à l'avant et à l'arrière.

Deux versions du moteur étaient disponibles : le M196R (F1 de 2,5 litres et délivrant à ses débuts 257 ch à 8 200 tr/m) et le M196S (de 3 litres et 320 ch à 7200 tr/m pour l’endurance en 1955).

Desmo quoi ? – Ou Pourquoi faire simple ?

Une des caractéristiques du moteur M196 est l’activation desmodromique des soupapes, contribuant à sa fiabilité. Il s’agit de l’ouverture et la fermeture des soupapes par mécanisme positif plutôt que l’ouverture mécanique, mais la fermeture par ressort en boudin.

Breveté par Mercedes Benz en 1938, les avantages du système desmodromique sont multiples :
· Détermination par simulation, calculs et essais des profils de mouvement de l’ouverture et de la fermeture des soupapes et assurance que ces profils sont bien suivis à tous les régimes.

· Élimination des mouvements et vibrations parasites causés par les ressorts qui ont de la difficulté à suivre les profils d'accélérations violents imposés par la forme des cames.

· Réduction de la chaleur générée par les ressorts en compression et détente successive, surtout à haut régime.

· Réduction de la puissance consommée en frottement par le moteur, pour comprimer les ressorts en ouvrant les soupapes. Réduction aussi de la force inverse rendue au mécanisme à la fermeture de la soupape.

· Réduction de l’effet de torsion appliqué à l’arbre à cames par ces mouvements opposés et juxtaposés. À haut régime, on observe par photographie stroboscopique qu’un arbre à cames se tortille sur toute sa longueur à très haut régime, d’où le besoin d’être plus solide (plus lourd) pour survivre.

· Réduction du choc sur le siège de soupapes imposé par la fermeture violente causée par les ressorts puissants à haut régime et qui causent l’affaissement prématuré de ces sièges et une réduction de performance du moteur.

Mais si le système Desmo est si magnifique, pourquoi est-il si peu employé de nos jours ? Parce que la métallurgie a avancé et les ressorts sont meilleurs, parce que les profils des cames sont moins violents, surtout pour la route, parce que l’usinage et l’assemblage d’un ensemble Desmo est cher et complexe, et parce que le mouvement des soupapes est maintenant contrôlé sur les véhicules à haute performance par des mécanismes hybrides électronique, hydraulique ou magnétique, et parce que des ressorts d’aujourd’hui sont parfaitement adéquats jusqu’à 14 000 tr/m pour une moto de série, et 17 000 tr/m pour un moteur de course. È noter qu’en moto, Ducati a utilisé le Desmo à partir des années 1950 sur des 125cc afin de pouvoir augmenter le régime maximum et la puissance de ces petits moulins.

Le moteur M196R remporta le championnat mondial de F1 en 1954 et 1955, avec Juan Manuel Fangio (photo ci-dessous en 1955 à Monza) titré deux fois et secondé en 1954 par Karl Kling et Hans Herrmann pour les 4 courses sur 7 auxquelles l’usine a participé. En 1955, l’équipe a pris part à 6 des 8 Grands Prix, avec Fangio et Stirling Moss comme meneurs, et aidés par Karl Kling et Hans Herrmann.

En Endurance, on dénombre 13 départs de la W196S (mieux connue comme la 300SLR) en trois courses qui ont donné deux victoires à Stirling Moss. Et tout cela sans une seule panne moteur, seulement quelques accidents par des pilotes trop agressifs.

Pendant ces deux saisons, Mercedes a tout raflé mais abandonna la course à la fin de 1955, suite à l’effet populaire néfaste du terrible accident survenu le 11 juin aux 24 Heures du Mans, qui avait fait 84 morts (dont le pilote Mercedes Pierre Levegh) et plus de 120 blessés parmi la foule.

La grande maison reviendra en F1 en 1995, fournissant des moteurs Ilmor badgés Mercedes à McLaren, puis avec une voiture maison et une équipe Mercedes-AMG Petronas complète en 2010. Depuis, ils ont depuis remporté 8 titres constructeurs.

Crédit photo: Galeron