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19 décembre : Premier test au banc d’essais du fabuleux moteur V12 Matra, en 1967

19 décembre : Premier test au banc d’essais du fabuleux moteur V12 Matra, en 1967

Lundi 19 décembre 2022 par René Fagnan
Crédit photo: Nicholson McLaren

Crédit photo: Nicholson McLaren

C’est en ce jour de 1967 que le fantastique moteur V12 Matra, à la sonorité envoutante, a tourné pour la première fois sur un banc d’essais de Matra Sports à Vélizy en France. Si ce V12 de trois litres n’a pas récolté les succès espérés en Formule 1, il est mondialement connu pour sa sonorité aigüe qui chatouille des tympans. D’ailleurs, son cahier des charges précisait qu’il devait émettre un son si perçant qu’il serait reconnaissable à l’aveugle. Avouons que cet objectif fut pleinement atteint !

Les plus anciens se rappelleront avec une certaine nostalgie du hurlement des V12 Matra des monoplaces de Jean-Pierre Beltoise et de Henri Pescarolo tournant sur le circuit du Mont-Tremblant à l’occasion des Grands Prix du Canada de 1968 et 1970.

Fondée en 1941 par Marcel Chassigny, Matra est la contraction de "Mécanique Aviation TRAction", une petite entreprise française à la fin pointe de la haute technologie et impliquée dans les domaines militaires, aéronautiques et aérospatiaux. Durant les années 1960, le patron de l’entreprise, Jean-Luc Lagardère, estime que Matra doit représenter le savoir-faire français en compétition automobile internationale.

Visant la Formule 1 et les courses d’Endurance, Lagardère obtient le soutien de la pétrolière Elf et du gouvernement français. L’effort de Matra est 100% français, c’est-à-dire qu’il faudra un châssis français, un moteur français, un pilote français et un carburant français.

Philippe Guédon est nommé en charge du projet et il recrute un ancien collègue, Georges Martin, pour diriger la division "moteurs". Lagardère, qui rêve de défier Ferrari, leur impose de concevoir un V12 au cri déchirant et d’une puissante d’au moins 150 chevaux par litre.

De l’aviation au sport automobile

Pour produire une F1 100% française, Matra doit aussi apprendre à concevoir un châssis. La firme débute en Formule 3 en 1966 avec les coques MS5 et MS7. « Matra a été le premier constructeur à fabriquer des coques rivetées pour la F3 et la F2, comme il l’avait appris dans l’aviation » nous a récemment raconté Henri Pescarolo.

Le projet du moteur V12 de F1 débute avec l’année 1967. La règlementation des moteurs de F1 avait alors changé avec une cylindrée passant de 1500 à 3000 cc. Georges Martin et son collègue Georges Chariatte se mettent au travail et définissent l’architecture du V12 qui porte le nom de code Matra Sports MS9.

Au mois d’avril, le gouvernement français consent à Matra un prêt de six millions de francs pour la construction du moteur [soit l’équivalent de 7,5M€ actuels ou 10,7M$ canadiens]. Et Matra Sports dévoile son nouveau logo : un coq gaulois rouge stylisé sur un fond bleu.

Les techniciens et ingénieurs produisent un moteur thermique à essence de 12 cylindres en V ouvert à un angle de 60 degrés. Le bloc est en alliage d’aluminium qui incorpore des canaux pour la circulation de l’eau de refroidissement. La distribution est à double arbres à cames en têtes et quatre soupapes par cylindre. Le vilebrequin possède sept paliers. La cylindrée est de 2993 cc avec un alésage de 79,7 mm et une course courte de 50,0 mm.

Après seulement sept mois de conception et d’usinage, l’équipe de George Martin peut enfin toucher à ce premier moteur V12. Le 19 décembre 1967, quelques jours avant Noël, le V12 est boulonné sur un banc d’essais de Matra et est démarré pour la toute première fois. Au bout de quelques heures de travail, le verdict tombe : ce premier moteur Matra développe 388 chevaux à un régime maximal de 10 500 tours/minute.

Jean-Pierre Beltoise le fait débuter le 26 mai 1968 lors du Grand Prix de Monaco. Il se qualifie huitième, mais abandonne à cause d’une sortie de piste. De son côté, le grand Henri Pescarolo dispute une première course avec le Matra au Mont-Tremblant fin septembre à bord d’une voiture de F2 propulsée par un V12. « Nous avions cette coque très fine et ce gros moteur qui dépassait de partout à l’arrière. Il s’agissait en fait d’une voiture-prototype pour faire tourner et développer le moteur V12 sur des circuits » nous a-t-il expliqué.

« Cette voiture, la MS11, ne marchait pas du tout.  Le moteur V12 était encore très jeune et j’en ai cassé trois durant le week-end. À cause de cela, je n’ai pas beaucoup roulé. Il y avait un gros problème de lubrification. Je ne sais pas si cela provenait du fait que le moteur était installé dans une si petite coque ou s’il y avait un autre souci. Toutefois, ce moteur a été d’une fiabilité exceptionnelle quand on l’a installé dans les bonnes voitures, soit la MS660 d’Endurance ou la MS120 de F1 ».

Matra a par la suite remporté trois fois consécutivement les 24 Heures du Mans, enre 1972 et 1974, avec chaque fois Henri Pescarolo parmi les pilotes de l'équipage vainqueur. La marque s'est retirée de la compétition automobile à la fin des années 1970 après avoir encore équipé les Ligier de Formule 1.