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Stupéfaction au Mans : La Cadillac Series 61, surnommée “Le Monstre”

Stupéfaction au Mans : La Cadillac Series 61, surnommée “Le Monstre”

Mardi 12 avril 2022 par René Fagnan
Crédit photo: GM Heritage Center

Crédit photo: GM Heritage Center

C’est l’histoire d’une Cadillac, qui se faisait appeler Cadillac, mais qui n’avait pas du tout l’air d’une Cadillac !

Les 24 Heures du Mans ont souvent été le théâtre d’évolutions technologiques plus ou moins sérieuses. À ses débuts, la règlementation technique du Mans permettait d’apporter bien des modifications aux bolides.

C’est le cas de cette Cadillac Series 61, surnommée “Le Monstre” par la presse française, qui est en fait une Cadillac de 1950 qui fut complètement désossée puis rhabillée d’une toute nouvelle carrosserie. L’idée d’une telle voiture est celle de Briggs Cunningham, un Américain fortuné, navigateur, coureur automobile et propriétaire d’écuries de courses.

Cunningham, qui adorait la voile, s’est intéressé tardivement aux courses automobiles. La piqûre lui est venue quand il a assisté au Grand Prix de Monaco de F1 durant sa lune de miel avec son épouse, Lucie Bedford.

C’est Luigi Chinetti qui a invité Cunningham à disputer les 24 Heures du Mans pour la première fois. Puis, l’Américain s’est associé à Bill Frick, un mécanicien de grand talent, pour inscrire deux voitures au Mans. Frick installa des moteurs V8 Cadillac à simple arbre à cames en tête dans des châssis Ford. Ces “Fordillacs” furent refusées par les inspecteurs techniques du Mans, car jugées non-conformes.

L’année suivante, Cunningham décide d’inscrire une Cadillac Coupé de Ville presque de base et une autre, extrêmement modifiée. La carrosserie vraiment atypique de la seconde voiture, surnommée “Le Monstre”, avait été conçue par Cunningham avec l’aide d’un ami ingénieur en aéronautique chez Grumman à Long Island, Howard Weinman.

Un travail effectué en soufflerie

À partir des dessins, une maquette est fabriquée et évaluée dans une soufflerie normalement utilisée pour tester des petits avions épandeurs qui volent à basse altitude. La carrosserie, large et basse, résulte d’un désir de réduire la surface frontale du véhicule pour diminuer la traînée aérodynamique et faciliter sa pénétration dans l’air. Les panneaux d’aluminium peuvent être facilement démontés et retirés pour avoir accès aux organes mécaniques de la voiture.

Cunningham a préparé deux voitures pour les 24 Heures du Mans de 1950 : la Cadillac Spider “Monstre”, piloté par Briggs Cunningham et Phil Walters, et une Cadillac Type 61 Coupé de Ville peu modifiée, habillée de sa carrosserie de série et conduite par Miles et Sam Collier.

Les moteurs Cadillac V8 5,4 litres sont préparés par Frick-Tappett Motors. Le V8 du “Monstre” est gavé par cinq carburateurs tandis que la Coupé de série possède deux carburateurs à double corps.

Puis, il ajoute au “Monstre” des écopes pour refroidir les freins à tambours et change les ressorts de la suspension pour des nouveaux plus rigides. Des thermostats sont ajoutés aux freins, au carter du différentiel et au carter de boîte de vitesses afin que le pilote soit informé de toute surchauffe. Un compte-tour et une jauge de pression d’huile sont ajoutés au tableau de bord. Tout ce qui n’est pas nécessaire, comme les enjoliveurs de roues, les sièges arrière, le silencieux et les cache-roues sont éliminés.  Au réservoir d’essence d’une capacité de 75 litres (20 gallons US) est ajouté un autre réservoir d’une contenance de 132 litres (35 gallons US). Les deux voitures sont ensuite peintes et expédiées en France, direction Le Mans.

Les deux bolides n’ont presque jamais roulé avant d’être inspectés avant la course. “Le Monstre” a tellement fasciné les officiels qu’ils passent des heures à examiner le bolide qui ressemblait à un tank de la première Guerre Mondiale afin de s’assurer que sous cette robe futuriste se cachait bien une Cadillac bien ordinaire, tel que l’exigeait le règlement technique. Tout est conforme et les inspecteurs déclarent aussi que le moteur est, à part quelques modifications, bien “stock” et développe la puissance indiquée.

Dès les premiers essais, les deux Cadillac souffrent de déjaugeage dans les virages rapides, car la pompe à essence d’exerce pas suffisamment de pression pour alimenter le moteur de façon continue. Pire : Walters perd le contrôle du “Monstre” dans un virage. L’avant de la voiture est amoché, ce qui nécessite une réparation adéquate et un autre passage à l’inspection technique.

La course démarre et au deuxième tour, le “Monstre” glisse dans un virage et va s’enliser dans un bac à sable. Son pilote perd 20 minutes à le dégager à la main et reprend ensuite la course avec quatre tours de retard. Ironiquement, Miles Collier avait justement suggéré à Cunningham d’embarquer une pelle dans la voiture afin de dégager le bolide plus rapidement en cas de sortie de piste…

Des ennuis techniques retardent les deux Cadillac qui poursuivent quand même leur route. Le “Monstre” atteignit une vitesse maximale de 209 km/h, soit 21 km/h plus vite que la Cadillac de série.

Après 24 heures de course, le “Monstre” se classe 11e après être remonté depuis la 35e position. La Coupé stock se classe en 10e place en dépit d’avoir perdu les deux premiers rapports de la boîte de vitesses durant l’épreuve.