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L’étrange histoire de l’écurie mexicaine GLAS F1 et de son propriétaire, mystérieusement disparu

L’étrange histoire de l’écurie mexicaine GLAS F1 et de son propriétaire, mystérieusement disparu

Lundi 7 février 2022 par René Fagnan
Crédit photo: Wikimedia Commons

Crédit photo: Wikimedia Commons

Il y a parfois eu de drôles d’histoires en Formule 1. Pas drôles dans le sens de comiques, mais plutôt bizarres ou insolites. Voici celle d’une écurie de F1 mexicaine qui n’a jamais vu le jour et dont le patron s’est soudainement volatilisé !

Durant les années 80, le sport automobile est extrêmement populaire au Mexique et plusieurs grandes entreprises y investissent des sommes colossales. Les séries de Formule K Chrysler et F2 présentent des grilles de départs très bien étoffées. Des consortiums de compagnies mexicaines sont créés afin d’aider les meilleurs pilotes du pays à courir dans de bonnes conditions en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe.

Fin des années 80, je suis invité à assister à une course du Championnat Montana de Formule 3 à Mexico City et j’y fais la rencontre d’une jeune femme nommée Patricia Brault, épouse d’un excellent pilote de Formule K, un certain Claus Schinkel. Née au Mexique d’un père québécois et d’une mère mexicaine, elle travaille en relations de presse et m’informe discrètement d’un projet d’écurie de F1 mexicaine, GLAS.

L’acronyme GLAS provient de Gonzalez Luna Associates, du nom du patron du projet, un homme d’affaires relativement jeune nommé Fernando González Luna Bueno. Ce dernier a constitué un groupe d’entrepreneurs intéressés à voir une écurie mexicaine et un pilote mexicain disputer le Championnat du monde de F1 en échange d’une visibilité sans pareille.

Le 15 septembre 1989, González Luna paraphe une entente avec Emile Navarro, patron de Lamborghini Engineering. Rappelons qu’à ce moment, Lamborghini appartenait à Chrysler. Selon cette entente, la monoplace de F1 GLAS, nommée Lambo 1, serait entièrement produite par Lamborghini. Le châssis sera dessiné par Mario Tollentino, le moteur sera un V12 Lamborghini tandis que les suspensions et la boîte de vitesses seront créées par Mauro Forghieri. L’entente prévoit que l’écurie mexicaine sera basée au 97 Viale delle Nazioni à Modena en Italie. Le premier pilote pressenti est Giovanni Aloi, un Mexicain qui a couru en Sport-prototypes ainsi qu’en Formule 3000.

Le projet semble bien être sur les rails, car quelques semaines plus tard, je reçois par livraison FedEx le dossier de presse de l’écurie GLAS envoyé par Patricia Brault qui a été nommée responsable des relations de presse de l’écurie.

Tout va bien, jusqu’à ce que…

Forghieri et ses ingénieurs conçoivent la Lambo 1 à l’aide des premiers logiciels de conception assistée par ordinateur. Après quatre mois de travail, le premier châssis est complété. L’équipe prévoit effectuer les premiers essais du bolide entre juillet et décembre 1990 sur les circuits d’Imola, Monza, Paul-Ricard, Hockenheim, Jerez et Estoril pour ensuite participer au championnat de 1991.

Selon les informations disponibles, González Luna aurait garanti un investissement de 20 millions de dollars dans l’écurie et la pétrolière nationale mexicaine Pemex allait être un commanditaire majeur de GLAS.

Le Grand Prix du Canada à Montréal a lieu de 10 juin 1990. On y apprend que la Lambo 1 de GLAS est en état de marche et qu’elle sera présentée au grand public deux semaines plus tard à l’occasion du Grand Prix du Mexique, le 24 juin.

Comme prévu, la monoplace est transportée par camion de Modena à Paris pour être expédiée par avion. Mais là, une nouvelle stupéfiante annule le déplacement : ce monsieur González Luna aurait mystérieusement disparu ! La voiture reprend le chemin de l’Italie et la présentation est évidemment annulée.

Encore plus mystérieux est le fait qu’apparemment, les factures continuent d’être payées. L’équipe décide donc d’aller effectuer un premier essai de la voiture à Imola, mais là, surprise (encore !), ce n’est pas Giovanni Aloi qui est au volant, mais Mauro Baldi qui a député plusieurs Grands Prix durant les années 80 avec les écuries Arrows, Alfa Romeo et Spirit.

Le petit Italien parcourt 68 tours du circuit d’Imola et signe un chrono qui est quatre secondes plus lent que le meilleur tour en course réalisé par Alessandro Nannini quelques mois plus tôt au Grand Prix de San Marino. Plus inquiétant est le fait que la Lambo 1 est plus lente de huit secondes que la pole position réalisée par Ayrton Senna dans sa McLaren-Honda !

Deux semaines plus tard, González Luna est toujours introuvable et le compte de banque est… vide ! La décision est prise par Lamborghini de couper les liens avec le Mexique. Le contrat est rendu caduque. La voiture devient donc la propriété de Lamborghini qui s’informe à savoir s’il existe un repreneur du projet. Les frères Abed, propriétaires du circuit de Mexico City, semblent être intéressés, mais c’est finalement Carlo Patrucco, industriel et ancien grand patron de la marque de vêtement de sport Fila, qui rachète le tout et crée une écurie italienne, Scuderia Modena SpA, et qui fera courir les Lambo 1.

Qu’est-il vraiment arrivé à ce mystérieux homme d’affaires mexicain ? Impossible de le dire avec certitude. Toutefois, il faut préciser qu’à cette époque, quelques personnages ténébreux et louches se sont impliqués en F1 afin de faire circuler de l’argent mal acquis. À moins que notre homme ait tout planifié à l’avance et organisé sa propre disparition. 

La photo ci-dessous montre une illustration de la Lambo 1 aux couleurs du drapeau mexicain incluse dans le dossier de presse original de l’écurie GLAS.

Crédit photo: Archives René Fagnan