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Insolite: Quand Juan Manuel Fangio fut kidnappé par les troupes de Fidel Castro à Cuba !

Insolite: Quand Juan Manuel Fangio fut kidnappé par les troupes de Fidel Castro à Cuba !

Jeudi 30 décembre 2021 par René Fagnan
Crédit photo: WRI2

Crédit photo: WRI2

Durant les années 50, il y a eu un Grand Prix de Cuba, mais cette épreuve automobile, hors Championnat du monde, a eu lieu avant la révolution de Fidel Castro et ses bataillons.

Depuis 1952, l’île de Cuba est dirigée par son président, Fulgencio Batista, mais une guérilla, dirigée par Fidel Castro, prend position dans les montagnes de l’est du pays, les Sierra Maestra. Une partie de la population cubaine soutient cette guérilla, car elle en a assez de la corruption qui règne. Des émeutes éclatent un peu partout dans l’île.

Dans le but d’attirer des touristes fortunés, le gouvernement, voulant montrer que la situation est bien sous contrôle, décide l’organiser une course automobile, le Grand Prix de Cuba, présenté sur un tracé urbain situé sur la Malecón ; le front de mer de La Havane.

La course de 1957 est remportée par le quintuple Champion du monde de Formule 1, Juan Manuel Fangio, au volant d'une Maserati 300, devant Carroll Shelby au volant d'une Ferrari 410 et Alfonso de Portago aux commandes d’une Ferrari 860.

Un an plus tard, après une première édition fort réussie, la course est organisée de nouveau le 24 février. Castro et ses hommes décident de faire un coup d’éclat afin de médiatiser leur objectif de prendre le pouvoir de force et d’embarrasser le président Batista. Leur idée n’est donc pas d’enlever le champion pour obtenir une rançon, mais bien pour attirer les projecteurs du monde entier sur la situation qui règne sur l’ile de Cuba.

Plusieurs grands noms du sport automobile sont inscrits à cette épreuve tels Fangio, Stirling Moss, Wolfgang von Trips, Jean Behra, Joachim Bonnier, Phil Hill et Maurice Trintignant. Ces vedettes logent au luxueux palace Hotel Lincoln situé au centre de La Havane.

Un soir, Fangio revient à l’hôtel quand un jeune homme armé d’un pistolet l’intercepte dans le lobby. Il lui fait comprendre qu’il s’agit d’un kidnapping et qu’il doit le suivre sans discuter dans une voiture qui attend à la porte.

Fangio est ainsi pris en otage et emmené dans un endroit secret. Immédiatement, les troupes de Castro, qui se font appeler le “Mouvement du 26 juillet”, font savoir publiquement qu’ils ont capturé Fangio, le héros du sport automobile. Pour éviter que la police ne le trouve, Fangio est régulièrement trimbalé d’une maison banale à une autre afin qu’il ne reste pas au même endroit trop longtemps.

La nouvelle de son enlèvement fait la “une” des grands journaux à travers le monde. En dépit de la mauvaise publicité de cela lui fait, Batista refuse de céder et ordonne que la course ait lieu comme prévu. Et il exige à sa police secrète de trouver l’endroit où est caché le champion.

Les kidnappeurs ne font aucun mal à Fangio. Au contraire, il est très bien traité et avec respect, signant même des autographes pour ses geôliers. Le jour de la course, on lui offre même une radio afin d’écouter le déroulement de la course.

Peu après la course, Fangio est libéré à l’ambassade d’Argentine à la Havane. Cet enlèvement est une catastrophe pour le président Batista. Des médias demandent à Fangio s’il a été traumatisé par son enlèvement. D’un calme exemplaire, l’Argentin répond : « Ce ne fut qu’une autre aventure... ».

Toutefois, en piste, la course a tourné à la catastrophe. Stirling Moss, sur une Ferrari 335S, et Masten Gregory, au volant d’une Ferrari 410S, démarrèrent en trombes et menèrent le peloton jusqu’au cinquième tour quand plusieurs bolides dérapèrent sur l’huile répandue par le moteur de la Porsche de Roberto Mieres. Un pilote cubain, Armando Garcia Cifuentes, perdit le contrôle de sa Ferrari qui fonça dans la foule, tuant sept spectateurs et en blessant 30 autres.

Moss et Gregory, inconscients de la tragédie qui se jouait, continuèrent à lutter jusqu’à l’apparition du drapeau rouge à la ligne de départ/arrivée. Moss était en tête à ce moment, par seulement une demie seconde sur Gregory.

Moss célébra sa victoire, Fangio fêta sa remise en liberté, mais plusieurs dizaines de Cubains pleurèrent leurs morts et blessés.

Le 1er janvier 1959, Fidel Castro et ses troupes renversèrent le président Bastista.