Site officiel de Pole-Position Magazine - Le seul magazine québécois de sport automobile

www.Poleposition.ca

Site officiel de Pole-Position Magazine

Vécu de l’intérieur : Victoire au Challenge sur glace de Sherbrooke en 2001 !

Vécu de l’intérieur : Victoire au Challenge sur glace de Sherbrooke en 2001 !

Mercredi 24 février 2021 par René Fagnan
Crédit photo: Archives SMG

Crédit photo: Archives SMG

Il fut un temps, pas si lointain pourtant, où la course sur glace était une discipline très populaire au Québec avec un programme des courses régionales et même un championnat provincial. Puis, le Challenge sur glace Michelin du Canada/Québec, organisé à Sherbrooke à la fin des années 90, devint l’événement incontournable de la saison hivernale. Effectuons un retour au 24 février 2001, il y a de cela 20 ans, lors de la première épreuve canadienne de l’IRSI.

Après quelques éditions qui mettaient en vedette les voitures du Trophée Andros et leurs moteurs V6 rauques et bruyants, les organisateurs de l’événement de Sherbrooke acceptèrent de devenir l’une des cinq manches du nouveau championnat international de courses sur glace, l’IRSI, créé en 2001 par le Français Franz Hummel, de Chamonix.

La série, approuvée par la FIA, était réservée à des voitures répondant à la règlementation de Rallycross Division 1, très largement inspirées des bolides WRC du Championnat du monde des rallyes. Sauf qu’en IRSI, les moteurs étaient débridés... donc assez puissants, quoi que plutôt silencieux, ce qui a déplu à de nombreux spectateurs.

Le règlement sportif obligeait chaque équipe, composée de deux ou trois pilotes, à avoir un passager dans la voiture, communément surnommé le “sac de sable”. Hummel m’avait fait une belle faveur en m’incorporant à l’équipe SMG de Philippe Gache (un ancien pilote de Formule 3000) et du Monégasque Jean-Pierre Richelmi (plusieurs fois champion de France de rallyes sur terre). Avec leur Toyota Corolla WRC ex-Didier Auriol, ils figuraient parmi les vainqueurs potentiels.

Retour en février 2001. L’équipe SMG est hyper professionnelle avec d’excellents mécanos, un électronicien surnommé "Pupuce" et un vrai team manager, Pierrick. Ce dernier m’accueille au garage intérieur avec soulagement, car il avait craint que je sois un passager top lourd. Il est heureux de constater que je ne pèse que 63 kilos... Ensuite, c’est le passage à l’inspection technique où je dois montrer l’autocollant Snell de mon casque, l’homologation FIA de la combinaison ainsi que... ma licence. Ben oui, nous, passagers, devions acheter une licence de compétition “Internationale C Passager” à ASN Canada pour la modique somme de 300$ !

Passager dans la voiture ne signifie pas que je n’ai rien à faire. Pierrick m’explique que je devrai surveiller le panneau de signalisation de SMG pour effectuer les changements de pilotes au bon moment, chronométrer les arrêts qui doivent durer 60 secondes et pas une de moins, couper l’anti-lag du turbo quand nous entrons dans les puits et le remettre dès qu’on retourne en piste, surveiller le régime moteur dans les puits afin de respecter la vitesse maximale permise et enfin signaler aux pilotes les pièges que cache le circuit.

L’événement est tenu sur le superbe circuit de glace Bertrand-Fabi tracé sur le plateau Sylvie Daigle au centre-ville de Sherbrooke. C’est un circuit rapide, large et long de 1,6 km ; soit tout le contraire à ce que les coureurs européens affrontent habituellement (des petits tracé courts, très sinueux et effroyablement étroits).

L’équipe SMG signe le deuxième temps des qualifications, derrière la SEAT Cordoba (l’autobus scolaire jaune !) de Dany Snobeck et Yvan Muller. Ces derniers sont toutefois victimes d’un incident au 14e tour de la première manche qualificative, ce qui nous assure de la victoire.

Le début de la seconde manche est marqué par un gros crash. Drapeau rouge. Nous revenons nous placer en pole position et attendons. Soudainement, le feu vert est allumé et mon ami Bertrand Godin, dans sa Peugeot 306, nous double et prend la tête. Nous le pourchassons. Gache parvient (finalement)à le doubler et nous terminons troisièmes de cette manche. Bertrand nous a facilement doublé au départ arrêté, car j’ai dû “réveiller” Gache quand le feu vert s’est allumé ! Nous n’avons jamais vu les habituels panneaux de décompte “1 minute”, “30 secondes”... d’où notre surprise d’avoir vu le vert soudainement allumé !

Après une victoire samedi soir par un froid glacial, nous prenons la tête du classement. Nous remportons une autre victoire dimanche matin, suivie de deux deuxièmes places qui nous procurent la victoire au classement final avec 580 points devant la Proton Satria des Finlandais Jouko Hollo et Hannu Ruohorinne.

Entrer dans les virages... à reculons !

Je conserve des souvenirs mémorables de cette épreuve, même après 20 ans. Par exemple, Philippe Gache qui aimait bien poivrer les signaleurs et les photographes de poussière de glace lors du tour de chauffe en faisant patiner les pneus cloutés. Durant les premiers tours des courses, l’épais nuage de poussière de glace rendait la visibilité nulle et j’avais un mal fou à voir le fout** panneau de l’équipe en bord de piste. Je devais ralentir un peu Jean-Pierre Richelmi dans les puits, car il avait tendance à rouler un tout petit peu trop vite. J’ai apprécié le pilotage tout en finesse de Gache comparé au style plutôt brusque de Richelmi qui conduisait la tête penchée vers l’avant.

Gache pouvait négocier la grande parabolique à fond sur le quatrième rapport, à vitesse constante, braquant le volant de la main droite tout en actionnant l’essuie-glace de sa vitre latérale avec sa main gauche ! C’est ce qu’on peut admirer sur la photo ci-dessus : la Toyota négocie la parabolique face au mur de neige tandis que les roues avant sont bien droites.

Richelmi était un vrai pilote de rallye qui comptait sur mes directives, tandis que je pouvais presque dormir dans mon baquet quand Gache était au volant. Nous n’avions pas d’intercom et je donnais des instructions à Richelmi avec mes mains (tiens-toi à droite, roule à gauche, virage maintenant en dévers, à fond, attention à un pare-chocs qui traîne sur la piste, etc).

Il m’est très difficile de décrire les sensations ressenties à bord. La Toyota, avec son moteur turbo débridé, était très puissante. Après un freinage violent et un ample appel-contre appel pour un virage lent, la Corolla entrait dans la courbe presque à reculons. Puis, en première vitesse, Gache plantait l’accélérateur à fond. Le moteur rugissait à 8000 tours/minute. Puis, Gache tirait sur le levier de la transmission séquentielle. Clac ! Deuxième rapport enclenché. Les quatre roues patinaient avec furie, mais la voiture ne bougeait toujours pas. Troisième vitesse. J’étais convaincu que le pauvre moteur allait défoncer le capot. Quatrième rapport. La Toyota était soudainement propulsée vers l’avant, comme projetée par une main géante. C’était un véritable dragster ! J’en était plaqué dans mon baquet. Wow ! Pour moi, le circuit se divisait en une série de courses de drag, d’un virage au suivant.

Nous étions bien au chaud dans la voiture. Mais quand il fallait s’en extraire dehors, on grelotait de froid, surtout après la dernière manche le samedi soir quand il faisait un magnifique -23 degrés... Par contre, ce soir-là, la piste était fantastique. Nos phares allumés exposaient les milliers de petits sillons creusés par les clous des pneus de toutes les voitures.

Le tour d’honneur réalisé après la sixième et dernière manche dimanche après-midi fut aussi un moment mémorable. Roulant enfin à basse vitesse, nous saluions les spectateurs, les signaleurs, officiels photographes et caméramen qui avaient permis la tenue de cet événement hyper spectaculaire.

Les quatre pilotes québécois inscrits avaient connu des fortunes diverses : le duo Bobby Hamel et Yves Legris avait mené son Subaru Impreza en sixième place au classement final, un exploit ! Quant à Sylvain Vincent et Bertrand Godin, ils avaient vu leurs efforts annihilés après des accidents mettant un terme à leur week-end.

Crédit photo: Jean-Luc Taillade