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Les suspensions en caoutchouc inédites de la Hesketh 308B de 1975

Les suspensions en caoutchouc inédites de la Hesketh 308B de 1975

Lundi 13 juillet 2020 par René Fagnan
Crédit photo: WRI2

Crédit photo: WRI2

La Formule 1 était, disons, très différente durant les années 70. Il n’était pas rare que d’excentriques millionnaires blasés mettaient un peu de piquant dans leurs vies en créant leurs propres écuries de F1.

C’est le cas du Lord Thomas Alexander Fermor-Hesketh, Britannique de bon teint, millionnaire et amateur des plaisirs de la vie, qui s’est vite intéressé au sport automobile et a fondé son écurie de F1 avec l’aide son grand ami, Anthony 'Bubbles' Horsley (un ancien pilote au talent moyen) et un jeune pilote anglais au caractère bouillant nommé James Hunt. L’objectif  du millionnaire était de trouver le futur champion de F1 britannique.

À cause de son exubérance démesurée et son attitude loufoque, l’écurie Hesketh s’est attiré les moqueries des équipes rivales. Lord Hesketh arrivait sur les circuits en Rolls Royce, le coffre rempli de bouteilles de champagne, accompagné de jolie jeunes filles et consommant des mets exotiques à longueur de journée.

Toutefois, derrière ce paravent d’amateurisme se cachait une minuscule, mais redoutable équipe technique menée par un jeune ingénieur de grand talent, Harvey Postlethwaite. Ce dernier a commencé par modifier le châssis d’une March 731-Cosworth qui fut inscrite au Grand Prix de Monaco en 1973. À son volant, Hunt a effectué une solide remontée et occupait la sixième place quand son moteur a explosé.

Pour la saison 1974, Lord Hesketh demande à Postlethwaite de dessiner et fabriquer la première monoplace à porter son nom, la Hesketh 308. Cette voiture marche bien et permet à Hunt de récolter trois podiums. Toutefois, elle manque cruellement de fiabilité.

Durant l’intersaison, Postlethwaite revoit son design et corrige certains défauts. La 308B qui en résulte est d’une facture conventionnelle avec toutefois un centre de gravité situé très bas, une surface frontale réduite, des pontons abaissés et des radiateurs positionnés longitudinalement près du moteur, juste devant les roues arrière, afin de réduire la traînée aérodynamique. Le moteur était un Cosworth DFV capable de produire 485 chevaux à 10 000 tours/minute.

La 308 originale était munie d’une suspension courante faite de triangles superposés actionnant des combinés ressorts/amortisseurs. Mais Postlethwaite cherchait une façon d’amortir progressivement la monoplace avec un dispositif simple et léger. La solution lui est venue d’un ami ingénieur qui travaillait à amortir des édifices à l’aide de blocs de caoutchouc dans les régions sensibles aux tremblements de terre.

Puisque le caoutchouc peut stocker plus d'énergie par unité de masse que tout autre type de matériau d’amortissement, la suspension en caoutchouc permet d'économiser un poids considérable. Les ressorts en caoutchouc, qu'ils fonctionnent en compression ou en cisaillement, peuvent être utilisés comme ressort de suspension principal.

Ainsi, Postlethwaite a eu l’idée d’amortir la 308B avec des ressorts en caoutchouc en forme de boudins. Ces ressorts étaient relativement légers et on pouvait très facilement modifier la raideur et la progressivité du ressort en ajoutant ou en supprimant les nombreuses petites sections qui formaient un élément de ressort. À l’avant de la monoplace, le ressort en caoutchouc était enfermé verticalement dans le châssis et était actionné par un poussoir qui faisait aussi office de triangle supérieur.

Ces ressorts creux, dont le design fut développé par l’écurie Hesketh, la société Aeon Products de Londres et l'Association malaisienne des producteurs de caoutchouc, ont été fabriqués de caoutchouc naturel. En fait, les premiers essais effectués en 1974 se sont révélés infructueux jusqu'à ce que l’entreprise malaisienne mette au point un caoutchouc spécial qui résistait au fluage (“creep” en anglais, c’est à dire un phénomène physique qui provoque la déformation irréversible du caoutchouc avec le temps).

Pour Postlethwaite, cet arrangement de la suspension dotée de ressorts en caoutchouc procurait un amortissement progressif ; en d’autres mots, une suspension souple lorsque la roue bouge peu qui devient progressivement plus dure quand le ressort est écrasé.

La Hesketh 308B aux suspensions en caoutchouc débute la saison 1975 en Argentine entre les mains de James Hunt. Le Britannique se qualifie au sixième rang et termine la course en deuxième place derrière Niki Lauda.

Au Grand Prix des Pays-Bas à Zandvoort, Hunt profite d’un changement de pneus exécuté tôt durant l’épreuve (le départ ayant été donné sur une piste mouillée allant en s’asséchant) pour prendre la tête au 15e tour et s’envoler vers la victoire, la seule de l’écurie Hesketh. Avec d’autres bons résultats, Hunt s’est classé quatrième au Championnat des pilotes en 1975.

À la fin de la saison 1975, Lord Hesketh annonce brusquement que ses coffres sont presque vides et qu’il abandonne la F1. Le jeune Hesketh a financé toute l’opération avec son argent personnel, refusant la présence de commanditaires. Il jette la serviette et cède les voitures à son ami 'Bubbles' Horsley qui les fera rouler avec des pilotes payants jusqu’en 1978. Puis, on ne reverra les Hesketh que lors de courses de voitures historiques.