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La vérité autour de la mystérieuse Ferrari 312 T8 de F1

La vérité autour de la mystérieuse Ferrari 312 T8 de F1

Mercredi 6 mai 2020 par René Fagnan
Crédit photo: Wikimedia Commons

Crédit photo: Wikimedia Commons

Avez-vous déjà entendu parler de la Ferrari 312 T8 de Formule 1 ? La Scuderia Ferrari a produit plusieurs évolutions de sa 312 T (“312” pour un moteur 3 litres de 12 cylindres, et “T” pour transmission transversale), comme la T2, T3, T4 et la désastreuse T5, ces dernières ayant été toutes été pilotées par Gilles Villeneuve. Mais qu’en est-il du modèle T8, dont une photo-espion a circulé dans les médias en 1976 ?

Sur cette photo en noir et blanc, on distingue Clay Regazzoni aux commandes d’une T8 à huit roues - quatre à l’avant et quatre à l’arrière. On note aussi que deux prises d’air du moteur ont été fixées aux pontons pour alimenter le moteur 12 cylindres ouvert à 180 degrés.

En vérité, il s’agit d’un photo montage réalisé à la main, car bien avant la venue des appareils numériques et de Photoshop. Les artistes avaient ajouté des roues et modifié la carrosserie d’une T2 bien ordinaire. Il s’agissait donc d’une “fake news”, réalisée bien avant son temps !

Cette fausse nouvelle avait été sciemment et délibérément orchestrée par le département de communications de Ferrari. Le but ? Inquiéter la concurrence et surtout les écuries britanniques, qualifiées de “garagistes” par Enzo Ferrari, en leur faisant croire que la Scuderia testait une voiture carrément révolutionnaire. L’objectif recherché était de voir ces équipes, troublées, ne plus mettre toutes leurs énergies dans la conception de leurs nouvelles voitures, mais à tenter de comprendre ce que cachait cette T8 inédite.

À cette époque, Tyrrell faisait rouler sa fameuse P34 à six roues, et il était donc logique de croire que Ferrari pouvait pousser ce concept un peu plus loin avec un bolide à huit roues. Le règlement technique de la F1 était incroyablement plus permissif qu’il l’est aujourd’hui. Certaines évolutions technologiques étaient réellement majeures, comme la Lotus 78 (première voiture-aileron), la Brabham aspirateur, la Tyrrell P34 et la Ferrari T4 à aileron arrière double.

De nos jours, tout cela n’est plus permis, et on parle de révolution technologique quand une écurie modifie la forme d’une dérive d’aileron de seulement trois millimètres !

Une telle fuite planifiée, comme celle de la T8, n’était pas vraiment une nouveauté. Au cours des années 70, Lotus avait laissé entendre que sa prochaine monoplace de F1 serait munie d’une boîte de vitesses avec embrayage électronique, et qu’elle pourrait même se passer d’un différentiel.

Cette rumeur avait inquiété les directeurs techniques des écuries rivales qui ont perdu du temps à tenter de comprendre comment les hommes dirigés par Colin Chapman arriveraient à concevoir ce dispositif. En réalité, Lotus travaillait non pas sur une transmission révolutionnaire, mais bien sur la première voiture-aileron. L’art de bien cacher un secret.

Alors, la diffusion de la photo truquée de la Ferrari T8, que certains ont qualifié de coup publicitaire, a-t-elle eu l’effet escompté ? On doit tout d’abord se demander si Ferrari avait et a encore réellement besoin de publicité...

Quant à savoir si la photo a causé la panique chez les écuries rivales, il est difficile de l’affirmer. Probablement pas, car le concept était un peu trop extrême. Une telle voiture aurait été beaucoup trop lourde et trop longue, excessivement complexe à concevoir, aurait exigé une multiplication des systèmes mécaniques et requis la production de pneus spéciaux de la part de Goodyear. De plus, quand on regarde bien, le pneu arrière placé devant l’autre aurait été situé en plein milieu du moteur !

Néanmoins, la publication de cette photo a quand même causé un certain émoi à l’époque.