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Des souvenirs étonnants de Nigel Mansell...

Des souvenirs étonnants de Nigel Mansell...

Mercredi 27 novembre 2019 par René Fagnan
Crédit photo: René Fagnan

Crédit photo: René Fagnan

Champion du monde de Formule 1 de 1992, Nigel Mansell, s’est récemment confié à des journalistes et des amateurs à l’occasion de l’enregistrement d’un podcast de plus de 90 minutes réalisé par le magazine britannique Motor Sport.

Nigel Mansell était un pilote correct, mais avec un palmarès relativement mince quand il fut recruté par Colin Chapman de Lotus en 1979. Dépourvu de commanditaires majeurs, il avait toutefois eu le courage et l’audace de financer ses débuts en course automobile en vendant ses biens, incluant sa maison. Sacré Champion britannique de Formule Ford, il a connu quelques succès en F3 malgré deux gros accidents dans lesquels il s’est fracturé des vertèbres.

Mansell raconte ici son premier essai à bord d’une F1 en octobre 1979 alors qu’il venait tout juste de se briser deux vertèbres.

« J’étais à la maison, immobilisé à cause de mes fractures. Chapman m’a appelé et proposé de participer à un essai dans quatre jours avec cinq autres jeunes pilotes. Évidemment, j'ai accepté. Je ne peux même pas bouger. Comment vais-je me rendre au circuit Paul-Ricard ? me suis-je demandé. Un médecin m’a fourni un corset et de puissants analgésiques. J’ai pris l’avion et je me suis rendu au circuit. J’avais avalé tellement de pilules que j’avais du mal à parler. Il n’y avait pas de siège moulé dans la Lotus. J’étais assis au fond de la coque en aluminium, entouré d’un peu de mousse. La voiture avait des pneus très usés, le moteur avait tourné durant toute la journée et les vitesses sautaient sans arrêt. L'adrénaline m'a bien aidé, mais j’étais à six secondes du meilleur temps. J’étais vraiment démoralisé et prêt à arrêter la course automobile. Le lendemain, Chapman m’a dit "La voiture était en très mauvais état hier. Fais un autre essai." Au second tour, j’ai eu une révélation. Ce que je voyais a instantanément ralenti. Tout semblait se dérouler au ralenti. Et j’ai roulé six secondes plus vite que la journée précédente. J’ai eu le poste d’essayeur.»

Mansell raconte ensuite l’essai aérodynamique effectué à Silverstone durant l’été 1980 qui lui a permis de prendre le départ de ses premiers Grands Prix.

« Le circuit était dangereux avec de gros poteaux en bois plantés tout près du bord de la piste et la voiture, munie de jupes, générait beaucoup d’appui. Nigel Stroud était l’ingénieur en charge de ce test. "Si tu ne roules pas en 1’14”, ça ne nous apportera rien". J’étais encore très inexpérimenté et je n’avais jamais piloté une F1 à Silverstone. Ses instructions ne m’ont pas mis en confiance ! J’ai demandé qu’il m’indique mes chronos avec un panneau. J’ai fait deux tours et je n’arrivais plus à respirer, car la voiture générait quatre ou cinq G dans les virages. J’ai fait quatre autres tours, sans que l’équipe me montre le panneau. J’étais si enragé que j’ai fait un dernier tour à fond absolu. De retour dans les puits, j’étais drainé, incapable de bouger. Stroud m’a dit "Tu te crois drôle ?" Je n’avais aucune idée de ce qu’il voulait dire. Il m’a montré le panneau. Je venais de rouler en 1’12” et venais de battre le record du tour.»

À cette époque, il y avait tellement d’inscrits que les Grand Prix organisaient des séances de pré-qualification.

« Il y avait habituellement une quarantaine de voitures d’inscrites. Nous tombions à 30 après les pré-qualifications, puis à 26 pour la course. Les pilotes actuels ne peuvent pas s’imaginer à quel point ils sont chanceux d’être certains d’être qualifiés, de piloter des voitures fiables à presque 100% sur des circuits très sécuritaires. Aujourd’hui, il y a des dégagements asphaltés dans presque tous les virages, ce qui n’était pas le cas à mes débuts.»

Si Mansell a une voiture de F1 préférée, c’est une Williams. « La FW11B-Honda est la voiture la plus fantastique que j’ai pilotée. En appuyant sur l’accélérateur, nous avions 350 chevaux. Cette puissance grimpait instantanément à 650 puis, une seconde plus tard, avec le boost du turbo, à 1500 chevaux. Il fallait constamment anticiper. Sur la ligne droite à Détroit, les roues arrière patinaient à 280 km/h en sixième vitesse.»

Mansell a dominé son coéquipier, Riccardo Patrese, durant la saison 1992, celle de son titre. « J’étais habituellement plus rapide que Riccardo. Au Brésil, il était convaincu que je disposais d’une voiture différente de la sienne, car j’avais roulé deux secondes plus vite que lui en qualification. J’ai donc demandé à Patrick Head et à Frank Williams d’échanger nos voitures pour la seconde qualification afin d’en avoir le cœur net. "Je ne veux pas passer la saison dans une telle ambiance. Je ne veux pas qu’il croit que j’ai une meilleure voiture". Mon premier tour chronométré fut 1”7 plus rapide que son meilleur temps. Cet événement a cimenté notre relation. Il a compris que j’étais prêt à pousser la voiture un peu plus fort que lui.»

Terminons avec cette anecdote concernant Lewis Hamilton alors que Mansell agissait comme commissaire de course à Spa. « Lewis en était à ses débuts et il avait affirmé aux autres commissaires "Vous n’avez aucune idée de ce qui se passe dans une F1. Nous seuls roulons à de telles vitesses". J’étais très mal à l’aise et j’ai très poliment demandé à Lewis quel était son tour de qualification le plus rapide jamais effectué. Il m’a répondu que c’était à un peu plus de 140 m/h [225 km/h]. J'ai rétorqué que le mien avait été réalisé à 233,75 m/h [376 km/h]. Il a ouvert grand les yeux et a fait "Ohhhh !". Lewis est un gentil garçon, mais il avait parfois un peu de mal à comprendre certaines choses...»