Pourquoi consacrer tout un texte à une écurie de Formule 1 qui n’existe plus ? Parce que le Team Lotus a été fondé par un ingénieur visionnaire prolifique, Colin Chapman. Ce dernier a imposé plusieurs solutions techniques révolutionnaires en F1 et en sport automobile en général.
Le Team Lotus a couru en F1 de 1958 à 1984, récoltant 81 victoires, 107 pole positions et six titres mondiaux de pilotes et sept titres de constructeurs en plus de gagner les prestigieux 500 Milles d’Indianapolis.
Cet article traite de la Lotus F1 la plus puissante de toutes : la 98T JPS à moteur V6 turbo Renault qui produisait une puissance ahurissante dépassant les 1200 chevaux et pilotée par Ayrton Senna et Johnny Dumfries durant la saison 1986.
Conçue par Gérard Ducarouge et Martin Ogilvie dans un endroit à accès très restreint de Ketteringham Hall, surnommé “The Chapel”, la 98T est faite d’une monocoque en feuilles de fibre de carbone et Kevlar qui emprisonnent une structure en nid d’abeille en Kevlar. Cette monocoque était formée à partir d’une grande plaque en carbone prédécoupée qui incorporait des plis. Une fois cuite dans un four autoclave, la plaque était pliée et collée pour en faire une sorte de boîte dans laquelle des cloisons en aluminium étaient boulonnées pour renforcer le tout.
Le moteur était le monstrueux V6 Renault EF15 ouvert à 90 degrés d’une cylindrée de 1492 cm3. Il était alimenté par deux turbos Garrett capables de souffler à 5,7 bar. La distribution pneumatique était assurée par quatre arbres à cames en tête qui actionnaient les quatre soupapes de chaque cylindre.
D’un poids de seulement 154 kilos, incluant les turbos et l’embrayage, le V6 développait une puissance maximale impossible à déterminer, car les bancs d’essais de Renault n’excédaient pas 1100 chevaux. Pour les séances de qualifications, les mécanos installaient des turbos “kleenex”, effroyablement performants, mais qui commençaient à fondre après un seul tour de piste à fond. Afin de réduire le temps de réponse, l’air comprimé ne circulait plus dans l’échangeur de température mais était soufflé directement dans le collecteur d’admission. Ainsi, Senna aurait disposé d’une puissance estimée à 1300 chevaux avec son moteur EF15C de spécification G quand il s’est qualifié pour le dernier Grand Prix de saison 1986 à Adélaïde en Australie.
L’aérodynamique mettait l’emphase sur un appui maximal avec de volumineux ailerons avant et arrière, les premières dérives latérales vues en F1 et un diffuseur extra large où soufflaient les gaz d’échappements brûlants. Elle était chaussée de pneus radiaux Goodyear montés sur les jantes de 13 pouces.
Un gadget pour modifier la garde au sol
Afin de générer autant de succion que possible sous le plancher de la voiture, les amortisseurs Koni étaient modifiés par Lotus afin d’être surmontés d’une chambre d’expansion des gaz. Ceci avait pour objectif de réduire la garde au sol quand la voiture se serait allégée d’à peu près la moitié de son carburant. Au moment jugé opportun, le pilote actionnait un interrupteur situé dans le cockpit qui faisait ouvrir la valve des amortisseurs et le poids de la voiture chassait le fluide hydraulique, ce qui faisait baisser la voiture de quelques centimètres et ainsi générer encore plus de succion. Le freinage était assuré par quatre disques en carbone SEP serrés par des étriers Lotus/Brembo.
La boîte de vitesses à cinq rapports avant était une Hewland DGB logée dans un caisson boîte-pont en magnésium. Une boîte à six rapports a été longuement testée par Dumfries, sans donner de résultats probants. Elle fut abandonnée.
En état de marche, la 98T ne pesait que 540 kilos (sans le pilote), soit énormément moins qu’une monoplace de F1 moderne qui affiche un poids de 800 kilos, avec le pilote à bord toutefois. Avec sa robe noire JPS, elle arborait un look menaçant.
Les performances de la 98T étaient spectaculaires. Selon le magazine britannique Motors qui en a fait l’essai, elle avait atteint, depuis l’arrêt, 100 km/h en 3,0 secondes, 160 km/h en 4,8 secondes et 260 km/h en 10,6 secondes pour une vitesse maximale de 330 km/h.
En 1986, Ayrton Senna n’a gagné que deux courses au volant de sa 98T, en Espagne et dans les rues de Détroit, mais il s’est illustré en décrochant huit pole positions en 16 Grands Prix !
Technique: La surpuissante Lotus 98T à moteur Renault turbo
Lundi 15 septembre 2025 par René Fagnan
Crédit photo: Lotusforums.com/Photographe inconnu