Il fut une époque où à peu près n’importe quel type de voiture pouvait tenter de se qualifier et même de participer aux 500 Milles d’Indianapolis. Avec les voitures à turbines à gaz, les voitures à six roues et les bolides complètement décentrés, voici l’histoire de la Stein propulsée par deux moteurs six cylindres à plat Porsche.
Le plus remarquable dans cette affaire est que cette voiture de 1966 a été l’œuvre d’un individu créatif, Albert Stein, qui a tout conçu et dessiné, construit de ses mains et investi ses propres économies dans ce projet. Cinquante-neuf ans plus tard, tout ce qui reste de cette voiture est un panneau en aluminium fixé sur le mur d’un garage de réparations automobiles situé à Berkeley en Californie.
Avant de s’intéresser au super ovale d’Indianapolis, Stein est un champion de Midget au sud de la Californie. Fasciné par Indy, il croit pouvoir concevoir un bolide compétitif. Alors que les voitures d’IndyCar ont adopté la configuration de moteur central-arrière, Stein revient au concept de Roadster. Il est aussi convaincu que le moteur six cylindres à plat Porsche est la clé du succès.
Le plus fou du projet est qu’il désire munir sa voiture non pas d’un, mais de deux moteurs Porsche. Pour quels avantages ? La légèreté et le centre de gravité bas des moteurs, l’absence de liquide de refroidissement et de radiateurs et l’adhérence d’un rouage intégral, car le moteur avant va actionner les roues avant et le moteur arrière propulsera les roues arrière.
Stein demande à Joe Huffaker sénior de lui construire un châssis. Avec l’aide de Fred Ernst, Stein fait venir trois moteurs 901 de deux litres, moins chers qu’un seul moteur acheté aux États-Unis. Les deux moteurs, préparés par Lukes & Shorman et qui produisent 218 chacun à 9000 tours/minute, doivent être parfaitement synchronisés et une série d’engrenages complexe les relie à une transmission Lancia. La Stein/Valvoline Twin Special est habillée d’une carrosserie fabriquée en panneaux d’aluminium.
Le pilote est Bill Cheesbourg, un vétéran habitué à rouler à Indianapolis. Le déverminage est effectué en avril 1966 sur le petit ovale de Vaca Valley Raceway. Stein croit que les cames dotées d’un profil différent procureraient plus de puissance. Lukes & Shorman ne pouvant pas lui fournir ce qu’il veut, Stein se tourne alors vers Weber Engineering qui soude et usine les arbres à cames existants. Et hop vers Indianapolis.
La Stein Twin Special est tout simplement trop lente
Les essais se transforment en séances de développement. Les rapports de boîte sautent, la voiture manque de puissance et le régime moteur plafonne à 7500 tours/minute. Les arbres à cames modifiés sont alors installés. La Stein-Porsche est rapide dans les quatre virages, mais elle ne parvient pas à gagner un peu plus de vitesse dans les lignes droites. Malgré les efforts de Cheesbourg, elle plafonne à la vitesse moyenne de 149 milles/heure, soit 239,7 km/h. C’est nettement insuffisant pour se qualifier.
Mais il y a pire. Les cames ne résistent pas aux contraintes, se fragmentent et se mélangent à l’huile. Les deux moteurs installés dans la voiture sont hors d’usage. Il en reste un autre, certes, mais Stein n’a plus d’argent. La petite équipe quitte l’enceinte d’Indianapolis.
Stein fait profil bas, car il n’a pas payé les factures de Lukes & Shorman. En secret dans son atelier, il travaille sur la voiture, va l’essayer de nouveau sur le circuit de Vaca Valley où il signe d’excellents chronos. Il l’inscrit à la dernière course USAC de la saison à Phoenix et Cheesbourg parvient à se qualifier, mais sa course ne dure que quelques tours…
Il semble que le bolide a été désossé durant les années qui ont suivi, et il n’en reste qu’un seul panneau en aluminium exposé dans un garage.
Insolite: Albert Stein et sa voiture à 2 moteurs Porsche pour les 500 milles d’Indianapolis
Vendredi 16 mai 2025 par René Fagnan
Crédit photo: Indianapolis Motor Speedway