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Insolite : Les échecs de la transmission séquentielle des Lotus de F1

Insolite : Les échecs de la transmission séquentielle des Lotus de F1

Jeudi 19 octobre 2023 par René Fagnan
Crédit photo: Wikimedia Commons

Crédit photo: Wikimedia Commons

Colin Chapman, créateur des voitures Lotus, était toujours à l’affût de nouvelles technologies qui pouvaient, selon lui, apporter un avantage, si mince soit-il, à ses voitures de course.

Déjà à la fin des années 50, Chapman songe à une transmission qui serait légère et compacte afin d’abaisser le centre de gravité de ses voitures de course et de réduire la traînée aérodynamique. La solution de Chapman consiste en une boîte de vitesses-pont semblable à une transmission séquentielle de moto avec des engrenages ZF disposés en une pile étroitement espacée. L’ensemble d’engrenages ne faisait que 92 millimètres de long (même pas quatre pouces) !

La Lotus 12, la Mk 15 Sport rRcer et la Type 16 de F1/F2 ont toutes été munies de ce type de transmission qui fut toutefois rapidement abandonné, car beaucoup trop fragile.

Au milieu des années 70, Chapman demande à ses ingénieurs Tony Rudd et Brian Spooner de remettre cette transmission au goût du jour. Les premiers concepts de la Lotus 78 à effet de sol sont à l'étude, et Chapman voudrait bien réduire l’encombrement d’éléments mécaniques à l’arrière de la monoplace révolutionnaire afin d’améliorer l’écoulement des flux d’air à l’arrière.

Lorsqu’elle apparait, la Lotus 76 de 1974 cache quatre pédales dans son cockpit. De gauche à droite on retrouve l’embrayage, une pédale de frein, une seconde pédale de frein et l’accélérateur. Cette disposition unique permet aux pilotes de freiner soit du pied droit, soit du pied gauche.

Un bouton se trouve au sommet du levier de vitesses. La pédale de gauche qui actionne l’embrayage ne sert que pour démarrer depuis l’arrêt. Appuyer sur le bouton active un circuit hydraulique qui désengage l’embrayage et permet le changement de rapport. Les pilotes, Ronnie Peterson et Jackie Ickx, apprécient moyennement, car le mécanisme tombe trop souvent en panne. La Lotus 76 fut ensuite munie d’une transmission manuelle traditionnelle.

Un dernier essai sur la Lotus 79

Toutefois, Chapman, convaincu d’avoir raison, n’abandonne pas. Cette transmission se retrouve boulonnée à l’arrière de la Lotus 78, mais rien n’y fait. Elle n’est pas du tout fiable.

Chapman révise le concept et décide de munir la Lotus 79 (photo ci-dessus) d’une nouvelle transmission Lotus-Getrag équipée d’un différentiel à glissement limité ZF, ainsi que d’un couple conique et des pinions taillés par Oerlikon en Suisse. Le changement de rapports est séquentiel, c’est-à-dire que le levier de vitesses ne se déplace pas vers la droite ou la gauche. Toutes les vitesses se suivent les unes après les autres : 1-2-3-4-5 en accélération, et 5-4-3-2-1 lors des freinages.

Dans cette boîte, les pignons sont sélectionnés par des billes expulsées par les trous de l'arbre, dans les rainures de l'alésage interne du pignon à entraîner. Cette transmission Lotus-Getrag permet aux pilotes de changer de rapports sans utiliser l’embrayage. Ils n’avaient qu’à soulager l’accélérateur, tirer le levier, puis d’enfoncer à nouveau l’accélérateur.

Dès les premiers essais, c’est la catastrophe. La transmission a du mal à encaisser les changements de rapports qui finissent par sauter. À d’autres moments, les pilotes sont incapables de sélectionner un rapport. Et c’est sans compter le nombre de transmissions cassées.

Il semble bien que les ingénieurs avaient probablement sous-estimé la puissance et le couple du moteur Cosworth DFV et le niveau d’adhérence d’une F1. Les dents des crabots étaient souvent tous broyés après n’avoir parcouru qu’une centaine de kilomètres. Des membres du Team Lotus avouent que cette transmission aurait été adéquate pour la Formule 2, mais pas pour la F1.

Après des essais infructueux, la boîte Lotus-Getrag fut retirée pour de bon et remplacée par une bonne vieille Hewland FG400 avec un levier en “H”, fiable, mais lourde et encombrante, au grand dam de Chapman.