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Technique : Qu’est-ce que l’effet de sol en Formule 1 ?

Technique : Qu’est-ce que l’effet de sol en Formule 1 ?

Mardi 21 mars 2023 par René Fagnan
Crédit photo: @ScarbsTech

Crédit photo: @ScarbsTech

La règlementation technique de 2022 a permis le retour en force de l’effet de sol en Formule 1. Mais qu’est précisément ce phénomène aérodynamique et pourquoi joue-t-il un rôle si majeur dans le comportement d’une monoplace de F1 ?

L'effet de sol est un phénomène aérodynamique qui concerne la portance et la traînée d'un objet en mouvement à proximité du sol. Certains oiseaux s’en servent depuis des millénaires. En volant au ras du sol ou de l’eau, la portance créée par leurs ailes est augmentée par la proximité d’une surface solide. C’est ce qui permet à de gros oiseaux, comme les outardes, les cygnes et les cigognes, de prendre leur envol.

Ce même phénomène influence les avions lors du décollage et de l’atterrissage. La proximité des ailes de la piste génère de l’effet de sol qui augmente la portance. À ce moment, l’avion "flotte" sur une sorte de coussin d’air. On peut aussi le constater en laissant tomber une feuille de papier sur une table. La feuille glisse au-dessus de la table durant quelques instants, soutenue par un coussin d’air qui crée une portance.

En course automobile, c’est l’inverse. On parle ici d’appui; une aspiration vers le bas. Les pontons des bolides de F1 des années 70/80 et ceux d’aujourd’hui sont munis de tunnels venturi; c’est-à-dire de sections d’ailes inversées qui se situent près du sol, enfermées dans des caissons qui sont les pontons.

La découverte de l’exploitation de l’effet de sol en F1 date du milieu des années 70 quand Peter Wright du Team Lotus effectuait des études en soufflerie sur la nouvelle Lotus 78. Wright avait précédemment travaillé chez BRM puis chez March où des monoplaces avaient été munies de petites ailes inversées sur leurs flancs, mais cela n’avait rien donné.

Durant l’hiver 1975, Wright travaillait en soufflerie avec la maquette de la future Lotus 78. Il s’agissait d’une maquette en bois, peu rigide, et dont les modifications étaient effectuées à la main avec du carton, de la pâte à modeler et du ruban gommé. Rien à voir avec les maquettes actuelles fabriquée en aluminium et habillées de pièces en fibre de carbone.

Une découverte en soufflerie

Wright s’est vite rendu compte qu’il était incapable d’obtenir des chiffres constants de la balance (qui indique l’appui aérodynamique). Wright a réalisé que les tunnels venturi de la maquette se déformaient lors des essais en soufflerie, et plus ils se rapprochaient du sol, plus ils généraient de la succion.

Wright et Colin Chapman ont alors compris que la présence du sol jouait un rôle capital dans l’augmentation de l’effet de succion qui fait “coller” la voiture à la piste. Cela accroît la force appliquée sur les pneus et produit des vitesses beaucoup plus élevées dans les virages.

L’effet de sol procurait aussi un avantage indéniable. L’accroissement de l’appui se faisait sans augmentation de la traînée ; ces turbulences aérodynamiques qui freinent la voiture à haute vitesse.

Le défi était de concevoir un profil d’aileron qui convenait parfaitement aux caractéristiques de la voiture (son centre de gravité, sa hauteur, son équilibres avant/arrière, l’appui généré par l’aileron avant vs l’aileron arrière, etc.). La position du centre de pression produit par le tunnel venturi jouait aussi un rôle crucial dans le comportement de la voiture. Il pouvait se situer trop en avant, ce qui éliminait le sous-virage, oui, mais rendait le train arrière très instable. Il pouvait se situer trop vers l’arrière et on assistait à l’inverse : trop de sous-virage.

Les ingénieurs du Team Lotus se sont aussi rendu compte que tenter de générer encore plus d’effet de sol résultait en un phénomène de pompage, ou de marsouinage. C’est justement ce problème qui a tant affecté les voitures de F1 en 2022 avec le retour de l’effet de sol. La rupture soudaine de succion plusieurs fois par seconde faisait sautiller les voitures, rendant le pilotage difficile et les voitures moins efficaces. On constate qu'après deux Grands Prix cette saison, quelques monoplaces de F1 sont encore affectées par du pompage.

L’expert britannique de la technologie en sport automobile Craig Scarborough nous a fournis les deux illustrations de cet article. Vous pouvez le suivre sur Twitter à @ScarbsTech.

Crédit photo: @ScarbsTech