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Technique : Qu’est-ce que le phénomène de marsouinage, ou de pompage, en F1 ?

Technique : Qu’est-ce que le phénomène de marsouinage, ou de pompage, en F1 ?

Jeudi 17 mars 2022 par René Fagnan
Crédit photo: Ferrari Media

Crédit photo: Ferrari Media

Plusieurs écuries de Formule 1 se sont plaintes que leurs voitures 2022 souffraient d’un mal aérodynamique appelé marsouinage. Le terme provient de la similitude qui existe entre les mouvements de la voiture et ceux d’un marsouin qui nage à la surface de l’eau. Le terme "pompage" est également utilisé.

En fait, ce phénomène aérodynamique très néfaste existe depuis que Colin Chapman et ses ingénieurs, dont Peter Wright, ont réussi à exploiter l’effet de sol en F1 en greffant des pontons latéraux contenant des ailes inversées sur les Lotus.

C’est avec la Lotus T80 que le marsouinage est vraiment devenu problématique. Cet étrange phénomène de pompage de la voiture survenait quand la Lotus rebondissait sans cesse sur ses suspensions. Incapable de mettre la voiture au point, Chapman fit installer des ressorts de plus en plus durs sur la T80. À un point tel qu’elle devint tout simplement impossible à conduire. Lors d’un ultime test avec des ressorts hyper durs effectué sur le circuit Paul-Ricard en France en décembre 1979, la T80 sautillait tellement que son pilote, Stephen South, n’arrivait même plus à garder ses pieds sur les pédales. La T80 fut alors mise au rancart.

Ce phénomène de pompage est réapparu sur les nouvelles voitures de F2 2022. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles exploitent à nouveau l’effet de sol avec des tunnels venturi latéraux. Jusqu’à cette année, ces tunnels venturi étaient formellement interdits en F1.

Les tunnels venturi sont, en quelque sorte, des ailes d’avions inversées. Un avion profite de la courbure de ses ailes pour générer de la portance et se soulever dans les airs. Avec une voiture de F1, c’est le contraire. Les ailes d’avions sont inversées, ce qui génère une force verticale qui aspire le bolide vers le bas par un effet de succion. Les pneus se trouvent mieux écrasés au sol, ce qui permet à la voiture de rouler très vite dans les courbes.

Toutefois, ces ailes inversées n’ont pas toutes la même forme ou courbure. Et puisque la voiture bouge selon qu’elle accélère, freine ou négocie un virage, cette aile n’a plus la même attitude par rapport au sol. Parfois, elle se rapproche du sol à l’avant, et à d’autres moments, elle se rapproche du sol à l’arrière. C’est tout à fait normal, mais change constamment l’endroit où l’effet de succion se produit.

L’effet de sol provient de l’interaction entre le profil de l’aile inversée et la proximité de la piste. Plus l’aile se rapproche du sol, plus l’effet de succion généré est puissant, ce qui est désiré. Toutefois, si la suspension de la voiture est souple, les tunnels venturi vont rapidement se rapprocher du sol à un point tel que les filets d’air sont de plus en plus comprimés sous la voiture. Parfois, l’air ne parvient plus à glisser correctement vers l’arrière de la voiture et "fige". L’aile inversée dans le ponton décroche, comme le fait l’aile d’un avion qui vole trop lentement.

Au moment du décrochage des tunnels venturi, la voiture, privée d’effet de sol, remonte brusquement et brutalement vers le haut, ne serait-ce que de quelques centimètres. Et le cycle recommence : l’effet de sol augmente, les tunnels s’approchent du sol, les flux d’air ralentissent, l’aile décroche et la voiture rebondie. Ce cycle de compression et de détente soudaine s’effectue plusieurs fois chaque seconde !

Le pompage survient rarement dans les virages; c’est dans les lignes droites quand la voiture atteint sa vitesse maximale. Vous êtes au volant, roulant à plus de 300 km/h, et la voiture se met soudainement à faire bang ! bang!  bang ! bang ! plusieurs fois par seconde. Vous êtes violemment secoué dans le cockpit et vous avez même du mal à percevoir la piste devant vous. Mal de tête assuré ! Pire, cela rend aussi les freinages délicats, car l’effet de sol est constamment rompu. Cela empêche aussi les pneus de donner leur plein rendement, car la température de la gomme varie continuellement.

C’est pour toutes ces raisons que le phénomène de marsouinage doit être résolu, sinon grandement diminué avant le premier Grand Prix de la saison. Parmi les solutions appliquées, il y a la révision de la forme des pontons, des corrections aux rebords du plancher, l’ajout ou le retrait de cloisons verticales à l’entrée des pontons, l’ajout de renforts métalliques pour éviter que le plancher de la voiture et les tunnels se déforment à haute vitesse, et autres. Une autre solution est de hausser la garde au sol de la voiture. Si cela résoud le problème, il diminue aussi largement l’effet de sol généré, ce qui rend la voiture beaucoup plus lente dans les virages…

Nous verrons ce week-end comment les écuries ont tenté de résoudre le problème de marsouinage. Les images captées par les caméras embarquées nous fourniront de bonnes indications sur les voitures qui sont stables à haute vitesse et celles qui souffrent encore de ce phénomène de pompage.



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Crédit photo: Pole-Position Magazine