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Rétro 1992: Giovanna Amati et l’illusion de piloter en Grand Prix

Rétro 1992: Giovanna Amati et l’illusion de piloter en Grand Prix

Mercredi 25 juin 2025 par René Fagnan
Crédit photo: Facebook/Giovanna Amati

Crédit photo: Facebook/Giovanna Amati

L’Italienne Giovanna Amati, fille d’un riche homme d’affaires, a tenté de faire carrière en sport automobile et a été recrutée par l’écurie de Formule 1 Brabham à l'aube de la saison 1992.

Malheureusement, le baquet de cette Brabham BT60B à moteur V10 Judd GV était un cadeau empoisonné. La BT60B était une très modeste évolution du modèle vu la saison précédente, mais le manque de budget n’a jamais permis d’améliorer son comportement routier erratique.

C’est en 1990 que l’écurie britannique est devenue la propriété de la firme japonaise Middlebridge Group Limited. Cependant, cette entreprise fut aspirée vers la faillite par son bailleur de fonds, Landhurst Leasing, en grandes difficultés financières. L’écurie Brabham, dirigée par Herbie Blash, n’a eu d’autres choix que d’engager des pilotes payants pour 1992 : Éric van de Poele et Amati.

Évidemment, Blash espère que la présence d’Amati attirera de nouveaux commanditaires. À l’exception des batteries de cuisine Lagostina, personne n’a osé soutenir Brabham. Nous sommes encore très loin de l’époque moderne avec la série F1 Academy qui soutient les pilotes féminins.

Quel a été le parcours de Giovanna ? Née en 1959 à Rome, elle est la fille d’un riche propriétaire de salles de cinéma. Élevée dans le luxe et l’opulence, elle adore les activités à hauts risques. À 15 ans, alors qu’elle affirme à sa famille vouloir suivre des cours de piano, elle s’achète une moto Honda de 500cc et va rouler à haute vitesse sur le circuit de Vallelunga.

En 1978, alors qu’elle est âgée de 19 ans, elle est kidnappée par Jean Daniel Nieto. Elle passe 74 jours en captivité dans une cage jusqu’à ce que son père amasse le million de dollars réclamé pour sa libération.

C’est un ami d’enfance, Elio de Angelis qui court alors en F1, qui lui suggère de suivre un cours de pilotage en monoplace ; un engin moins dangereux qu’une moto en cas d’accident. La jeune femme, au caractère impulsif, possède un bon coup de volant. Elle court en Formule Abarth ainsi qu’en Formule 3 italienne où elle décroche une victoire en 1986.

Elle passe ensuite à la Formule 3000 et ses moteurs V8 de 500 chevaux en 1987. En cinq saisons passées en F3000, elle ne pas fait d’étincelles et rate sa qualification à 17 reprises en 31 participations. Son meilleur résultat est une septième place obtenue au circuit du Mans-Bugatti en 1991 à bord d’une Reynard 91D-Ford de l’écurie GJ Motorsport.

Pas d’argent, pas d’essais, pas de résultats

Amati bien du mal à attirer des sponsors. « La raison était très simple : ces compagnies ne voulaient pas associer leurs produits à une femme qui faisait un sport macho et qui sentait l’essence », a-t-elle déclaré dans une interview publiée en 1999 dans le magazine F1 Racing.

Arrive l’hiver 1992 et Herbie Blash décide de lui confier le volant d’une des deux Brabham-Judd. La pauvre Giovanna n’a même pas parcouru un kilomètre d’essais avant d’arriver en Afrique du Sud pour y disputer son premier Grand Prix. Sans expérience, qualifier ce bolide peu efficace est impossible. Van de Poele se qualifie de justesse en 1’20”488 tandis qu’Amati est dernière en 1’24”405. 

Au Mexique, les deux Brabham ne sont pas qualifiées. Le Belge inscrit un chrono de 1’22”197 alors que la Romaine est juste derrière lui en 1’25”052. L’histoire se répète au Brésil avec deux autres non-qualifications : un temps de 1’21”770 pour van de Poele et 1’26”645 pour Amati. Herbie Blash se sépare donc d’elle avant l’épreuve espagnole, car sa présence, pourtant très médiatisée, a généré peu de revenus. Elle est remplacée par Damon Hill.

« Ce fut réellement injuste. Brabham n’avait pas de commanditaires, pas d’argent. On ne m’a même pas moulé un baquet. Je n’ai effectué aucun essai avant de participer à mon premier Grand Prix. On m’a envoyé en piste pour les qualifications comme ça, sans entraînement. Mon moteur perdait de l’eau, pissait l’huile et nous n’avions aucune pièce de rechange » précise-t-elle dans cette interview où elle règle ses comptes.

Après son épisode compliqué en F1, elle a piloté dans les séries Porsche Supercup et Ferrari Challenge, puis a disputé quelques courses d’Endurance avant de raccrocher son casque pour de bon, toujours très désillusionnée de sa triste expérience en F1.