La Jaguar XJR-14 a marqué un changement majeur dans le monde des courses d’endurance, car petite, effilée et basse, elle fut la première voiture carrément différente des autres.

Au début de années ‘90, la nouvelle règlementation technique et sportive du Groupe C du championnat du monde d’endurance attire de nombreux constructeurs automobiles tels Mercedes, Porsche, Nissan, Toyota, Peugeot et Jaguar. Bien que les anciennes voitures, surtout des turbos, soient toujours éligibles, le règlement favorise désormais les moteurs atmosphériques de 3,5 litres à l’origine conçus pour la Formule 1.

Après avoir œuvré en F1 au sein des écuries Williams, FORCE Haas et Arrows, l’ingénieur Ross Brawn répond à l’appel que lui lance Tom Walkinshaw et son équipe TWR qui sous-traite le programme sportif de Jaguar afin de créer une toute nouvelle voiture qui répond à cette règlementation.

Brawn va démontrer tout son talent en lisant avec une grande attention le livre des règlements techniques et va donner à certains articles un tout autre sens que ce qui était prévu à l’origine. Il ne s’agit pas de tricher, évidemment, mais d’exploiter tout ce qui n’est pas spécifié avec précision.

Puisque Jaguar appartient à Ford, le moteur V6 turbo Jaguar fait place au Ford HB 3,5 litres utilisé en F1. C’est un V8 ouvert à 75 degrés, à quatre soupapes par cylindre et qui développe 650 chevaux à 11 500 tours/minute. La transmission est une TWR à six rapports avant plus la marche arrière.

L’équipe TWR crée une monocoque en carbone et Kevlar, produite par Astec, qui intègre une cage de sécurité. La coque est étroite afin de disposer de pontons latéraux aussi larges que possible et où sont désormais logés les radiateurs. La suspension avant actionne des barres de torsion tandis que la suspension arrière à poussoirs est reliée à des amortisseurs et ressorts hélicoïdaux conventionnels.

Le pilote est assis à droite dans ce cockpit très étroit et change de vitesses avec la main gauche. Cette disposition très britannique permet une tringlerie plus directe avec la boîte de vitesses. Toutefois, l’espace est si étriqué que le pommeau du levier appuie contre la cuisse gauche du pilote !

L’imagination fébrile de Ross Brawn

Le règlement spécifie une dimension pour les vitres latérales et une autre dimension minimale pour les portières. Brawn a combiné les deux, créant ainsi un accès à la voiture par la fenêtre. Cela a permis de concevoir une monocoque très étroite et résistante, et qui n’est pas coupée d’une échancrure au niveau de la portière.

Le pare-brise en forme de demi-bulle est spectaculaire. Le nez du bolide est écrasé et loge deux longs appendices qui captent l’air frais près du sol. À l’arrière, Brawn a dessiné un aileron double, autorisé par le règlement. Ainsi, le volet inférieur est situé très bas et est en réalité une extension du capot moteur ; ce qui aide à extraire l’air sur diffuseur et accroître l’effet de succion. Les dérives latérales sont de grandes dimensions et touchent presque par terre.

La XJR-14 est au poids minimum, soit 750 kilos. Elle est en réalité sous le poids requis, mais l’ajout de ballast à des endroits stratégiques améliorent encore plus sa tenue de route. Brawn et son équipe ont vraiment créé une F1 carrossée.

Un premier châssis, le 591, est assemblé en mars 1991 et est vite suivi par un second, le 691. Après avoir effectué les premiers essais, les deux voitures participent aux 430 km de Fuji au Japon. Derek Warwick signe la pole position avec deux secondes d’avance sur la Peugeot 905 de Keke Rosberg et Yannick Dalmas, mais les deux Jag ne terminent pas la course.

Lors de la course suivante à Monza, les XJR-14 possèdent 4”3 et 4”0 de priorité sur les Peugeot lors des qualifications ! Cette fois elles dérochent un doublé. La Jaguar va ensuite encore gagner à Silverstone et au Nürburgring (avec le châssis 791). En fin de saison, Teo Fabi est sacré champion des pilotes avec 86 points devant son coéquipier chez Jaguar, Derek Warwick, second avec 79 points.

Fière de ce titre, Jaguar confirme en fin de saison son retrait du championnat du monde de la FIA. Les XJR-14 sont expédiées aux États-Unis, repeintes aux couleurs de la bière Bud Light et participent au championnat IMSA GTP.