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Technique : Les secrets de la fabuleuse McLaren MP4/4 à moteur Honda turbo de 1988

Technique : Les secrets de la fabuleuse McLaren MP4/4 à moteur Honda turbo de 1988

Jeudi 12 janvier 2023 par René Fagnan
Crédit photo: Wikipedia Commons/Honda Collection Hall

Crédit photo: Wikipedia Commons/Honda Collection Hall

Si des dominations récemment exercées par certaines écuries en Formule 1, comme Mercedes AMG et Red Bull Racing, sont désormais courantes, ce n’était du tout pas le cas durant les années 1980. La fantastique McLaren MP4/4 à moteur Honda turbo a révolutionné la F1 en 1988, récoltant 15 victoires en 16 Grands Prix et inscrivant 10 doublés avec Ayrton Senna et Alain Prost. Le Brésilien avait aussi remporté son premier titre mondial à son volant.

Dans une longue, mais excellente vidéo, le concepteur de la MP4/4, Steve Nichols, l'ingénieur/concepteur Matthew Jeffreys et le mécanicien en chef Neil Trundle font le tour d’une MP4/4, expliquent sa conception et son fonctionnement et relatent certaines anecdotes particulièrement savoureuses.

La conception de la MP4/4 fut longue. Très longue. Le staff technique, fort de 17 personnes seulement, a attendu autant que possible afin d’obtenir les véritables dimensions et spécifications du nouveau moteur V6 Honda RA168E, car était plus compact et doté d’un centre de gravité plus bas que l’ancien. Nichols dit qu’il ne voulait pas simplement remplacer le moteur TAG-Porsche par le Honda. Cela a mis une pression énorme sur tous les membres de l’écurie, car une semaine avant le déverminage, certaines pièces n’avaient même pas encore été fabriquées ! Au total, la conception a exigé huit mois de travail.

L’écurie McLaren s’est présentée au premier Grand Prix de la saison 1988 au Brésil avec deux voitures complètes, une troisième à assembler et une coque de rechange. Tel qu’exigé par le règlement, la MP4/4 à moteur turbo possédait obligatoirement un réservoir d’essence de seulement 150 litres et la chambre de compression du moteur était dotée d’une soupape de surpression qui s’ouvrait à 2,5 bar.

Le V6 produisait 675 chevaux à 12 500 tours/minute. Trundle précise que l’essence de qualification Shell était composée à 80% de toluène. Pour la course, ce pourcentage chutait à 60%. Il s’agissait d’un carburant très dense, très calorifique.

Lors des essais au Brésil, Trundle raconte que Prost est revenu aux puits avec le museau de la voiture qui raclait par terre. Il s’est vite rendu compte que pour correctement fixer le museau, les mécanos avaient meulé l’avant du châssis et qu’ils avaient ainsi éliminé la couche supérieure de carbone ! L’équipe a effectué une réparation d’urgence avec de la résine, ce qui a résolu le problème.

Les étriers de freins étaient fabriqués d’une pièce en alliage aluminium-béryllium et possédaient quatre pistons par disque.

Une voiture trop légère

La MP4/4 affichait un poids de 540 kilos, tel que stipulé par le règlement. « La voiture étaient d’abord peinte en blanc, puis on ajoutait la couleur orange de Marlboro et une couche de vernis transparent. Il y avait sept kilos de peinture sur la voiture » ajoute Trundle.

La voiture pesait 70 kilos de moins que le minimum requis. L’équipe ajoutait alors du ballast fait de morceaux de tungstène placés sous la monocoque au ras du sol. « Nous savions qu’abaisser le centre de gravité de 10 millimètres permettait un gain de trois dixièmes de seconde au tour » affirme Nichols.

La suspension progressive se distinguait par un système à poussoirs à l’arrière et à tirants à l’avant. Le tirant avant était en fait une mince et longue tige d’acier. « La gomme des pneus de qualification Goodyear étaient comme de la colle quand ils étaient chauds. Quand une voiture revenait dans les garages, ses pneus collaient au ciment. En la soulevant avec les crics, les tiges des tirants pliaient en forme de bananes et il fallait les changer ! » raconte Trundle. 

Un énorme diffuseur était fixé à l’arrière et son effet de succion était amplifié par les gaz d’échappement brûlants qui étaient soufflés à l’intérieur. Trundle affirme que les dérives latérales de l’aileron arrière avaient tendance à s’incurver vers l’intérieur à haute vitesse à cause de la basse pression créée par le diffuseur. Un correctif fut apporté, attachant les bas de la dérive aux coins du diffuseur.

Au début de la saison, les turbines du moteur étaient alimentées en air par des écopes – des snorkels – qui émergeaient verticalement des pontons. Mais à partir de Silverstone, les snorkels sont disparus, remplacés par un collecteur logé à l’intérieur des pontons, ce qui réduisait la traînée aérodynamique.

Matthew Jeffreys précise qu’il existait trois types d’aileron arrière (selon l’appui désiré), et chacun possédait son code de couleur afin d’éviter les erreurs. Le volet supérieur était monté sur un pivot permettant d’ajuster son angle d’inclinaison.

L’outre en caoutchouc militaire du réservoir d’essence possédait une capacité de 154 litres. « C’était ma responsabilité d’ajouter des balles en plastique dans le réservoir afin d’abaisser sa contenance à 150 litres, comme l’exigeait le règlement. Afin d’être sûr qu’on ne soit pas disqualifiés, je visais la marque de 149,5 litres » avoue Trundle.

La MP4/4 fut déverminée sur le circuit d’Imola au dernier moment, seulement neuf jours avant les essais du premier Grand Prix de la saison au Brésil. À son volant, Prost et Senna avaient roulé deux secondes plus vite que le meilleur chrono réalisé par Gerhard Berger sur une Ferrari. Deux secondes... La saison 1988 commençait vraiment sur une bonne note !

Crédit photo: Wikimedia Commons