Le visage de Formule 1 a profondément changé le 12 décembre 1959 quand l’Australien Jack Brabham a décroché son premier titre mondial au volant d’une petite monoplace dotée d’un moteur placé en position centrale-arrière. Car auparavant, tous les titres de F1 avaient été acquis avec des bolides munis de moteurs situés à l’avant.
C’est en 1957 que le Britannique John Cooper innove en concevant la première F1 dont le moteur n’est plus situé à l’avant, mais juste derrière le dos du pilote. Cette nouvelle répartition des masses métamorphose la F1.
La petite Cooper T43 à moteur Climax remporte son premier Grand Prix en Argentine en 1958 grâce à Stirling Moss. Un an plus tard, un grand nombre Cooper affrontent les Ferrari, Lotus, Maserati et Porsche lors des neuf manches du Championnat du monde.
Avec une seule manche à disputer, le Grand Prix des États-Unis sur le circuit de 8,36 km de Sebring, Jack Brabham, aux commandes d’une Cooper, occupe la tête du classement des pilotes avec 31 points devant Moss, lui aussi sur une Cooper avec 25,5 points et Tony Brooks de la Scuderia Ferrari avec 23. Les trois compères ont une chance d’être sacré Champion du monde en Floride.
Stirling Moss réalise la pole position, sa 11e en carrière, avec un chrono de trois minutes pile. Brabham se classe second devant Harry Schell, lui-aussi sur Cooper Climax. En réalité, Schell a emprunté un raccourci de la piste afin d’établir ce chrono plus rapide de trois secondes qu’habituellement !
Cet incident met le feu aux poudres et mène à des discussions très animées, s’éternisant même au moment où l’hymne national américain est chanté sur la grille de départ ! Finalement, les responsables de l’Écurie Bleue l’emportent et Schell prend le départ en troisième place même s’il a triché.
En queue de peloton se trouve une voiture bizarre, une Kurtis Kraft-Offenhauser Midget de l’équipe Leader Cards et pilotée par l’Américain Roger Ward. Ce dernier est persuadé que sa voiture IndyCar est nettement plus rapide que les F1 dans les virages. Eh bien non. La Kurtis Kraft est désespérément lente et Ward se qualifie dernier, à 43”8 du chrono de Moss !
Un dernier tour surprenant
Moss domine les cinq premiers tours de la course, mais sa boîte de vitesses casse. Il est relayé par Brabham qui mène la meute avec un bonne avance. Par contre, Brabham connaît quelques ennuis mécaniques depuis le début de la course et baisse le rythme, ce qui permet à Bruce McLaren et à Maurice Trintignant, tous deux sur des Cooper, de se rapprocher de lui.
À l’amorce du 42e et dernier tour, les trois premiers de la course sont regroupés en tout juste quatre secondes. Soudainement, le moteur Climax de la Cooper de Brabham commence à hoqueter, à court de carburant. L’Australien avait refusé de prendre le départ avec les réservoirs remplis, car il voulait piloter une voiture plus légère que les autres et ainsi se sauver du reste du peloton…
Avec seulement quelques virages à parcourir, le quatre cylindres Climax s’éteint. La Cooper de Brabham roule en roue libre et McLaren, situé juste derrière, ne comprend pas ce qui se passe et ralentit lui-aussi. Soudain, Brabham lui fait signe de le doubler, car sa voiture va s’immobiliser. McLaren passe en tête et croise l’arrivée avec une petite seconde d’avance sur le Français Trintignant.
Le jeune Néo-Zélandais Bruce McLaren, sur une Cooper de l’écurie de Rob Walker, remporte ainsi sa première victoire en F1. Jack Brabham doit toutefois terminer la course sans assistance. Alors, il pousse sa Cooper dans la montée qui mène à l’arrivée sur une distance de près de 400 mètres. Il y parvient. Épuisé, il s’écroule près de sa monoplace, mais heureux d’avoir réalisé son rêve d’être sacré Champion du monde.
Il s’agit d’un premier titre pour Jack Brabham, du premier titre mondial pour un Australien et du premier titre aussi pour une monoplace de F1 à moteur central-arrière.