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Retour sur le curieux et très momentané épisode McLaren-Lamborghini en 1993

Retour sur le curieux et très momentané épisode McLaren-Lamborghini en 1993

Lundi 3 mai 2021 par René Fagnan
Crédit photo: Musée Lamborghini

Crédit photo: Musée Lamborghini

Pris de court par la décision soudaine de Honda de la quitter fin 1992, l’écurie de Formule 1 McLaren a dû se rabattre sur un moteur Ford V8 HB client en 1993 avant de tester un V12 Chrysler/Lamborghini pour finalement opter pour un bloc Peugeot un an plus tard.

En septembre 1992, McLaren apprend brusquement qu’elle est lâchée par son motoriste Honda. Un deal de désespoir est signé afin d’obtenir des Ford V8 HB. Mais Ford a réservé ses moteurs officiels à l’écurie Benetton. McLaren doit donc se contenter de moteurs clients, chers et moins puissants de 50 chevaux. Malgré ce déficit, Ayrton Senna parvient à récolter cinq victoires en 1993 à bord d’une McLaren MP4/8 Ford. Un exploit.

Le grand patron de McLaren, Ron Dennis, doit trouver un moteur adéquat pour les saisons à venir. Lamborghini, propriété de Chrysler, est présent en F1 depuis 1989 et a fourni ses V12 3512 aux équipes Lola Larrousse, Lotus, Ligier, Modena Lamborghini et Minardi. Sans grands succès.

Ron Dennis rencontre Bob Lutz, le président de Chrysler, et Daniele Audetto, le patron de Lamborghini F1. Lutz et Audetto ont de grandes ambitions pour Chrysler en F1 et promettent à Dennis que le moteur V12 de 3,5 litres sera grandement développé au cours des années à venir. Une entente de principe (pas un contrat, c’est crucial de le noter) est conclue pour que les McLaren soient propulsées par des moteurs Chrysler/Lamborghini dès 1994.

Sous la supervision de Neil Oatley et de Giorgio Ascanelli, une MP4/8 est modifiée afin de recevoir le V12. L’empattement et la carrosserie sont allongés, les radiateurs sont adaptés, les points d’ancrage du moteur au châssis et à la boîte de vitesses sont corrigés, ce qui résulte en une voiture désormais plus longue de 9,5 cm. La boîte de vitesses transversale semi-automatique à six rapports avec palettes au volant est conservée. Par contre, le bolide est peint en blanc, sans un seul autocollant, sauf celui de Goodyear.

Trop rapide, cette McLaren-Lamborghini

Le déverminage de la MP4/8B est effectué en grand secret le 20 septembre 1993 sur petit circuit sud de Silverstone avec Senna au volant qui porte une combinaison rouge dépourvue d’écussons publicitaires, sauf celui de Nacional. Peu après, le Brésilien effectue un autre test sur le tracé de Pembrey.

Quelques jours plus tard, après la tenue du Grand Prix du Portugal à Estoril, Senna et son jeune coéquipier, Mika Häkkinen, roulent durant trois jours à bord de cette “McLambo” en compagnie d’autres écuries de F1. Le V12 a été révisé à la demande de Senna qui a demandé une plage de puissance élargie avec moins de brutalité à hauts régimes et plus de couple à régimes moyens.

Senna aurait réalisé un chrono de 1’13”232 qui se compare très favorablement avec le temps de 1’13”000 établit par Alain Prost au volant sa Williams. Pourtant, le V12 Lamborghini de la McLaren est un “vieux” moteur qui provient du lot accordé à l’écurie Larrousse.

Senna est conquis par ce V12 et tente de persuader Ron Dennis de disputer le Grand Prix du Japon, avant-dernière épreuve de la saison 1993, au volant de cette “McLambo”. Peine perdue. Dennis exige de terminer la saison avec le Ford V8. Senna est extrêmement déçu et ne comprend pas cette décision.

En fait, la raison est fort simple. Au fond de lui, Ron Dennis ne veut pas de ce moteur Lamborghini qu’il juge technologiquement dépassé, trop long et trop lourd, et parce qu’il ne croit pas aux promesses faites par Lutz et Audetto au sujet de son développement.

Dennis a surtout succombé aux charmes de Peugeot qui lui offre son moteur V10 A4 (qui vient de gagner les 24 Heures du Mans dans une 905), une dot de plusieurs millions de dollars et le soutien financier et technique d’un grand constructeur automobile.

On raconte que durant les essais à Estoril, la “McLambo” fut alourdie en remplissant son réservoir de carburant afin de la ralentir, car un chrono trop rapide risquait de faire capoter le contrat avec Peugeot.

Quand le contrat McLaren-Peugeot fut officialisé, les gens de Chrysler et de Lamborghini tombèrent des nues et regrettèrent amèrement d’avoir fait confiance au grand patron de McLaren...

Cette unique “McLambo”, qui appartient à McLaren, fait le tour de différents musées. La photo ci-dessus a été prise au musée de Lamborghini à Sant’Agata Bolognese. Parmi les personnes réunies, on peut noter Mauro Forghieri, Riccardo Patrese, Pier Luigi Martini, Stefano Domenicalli et Daniele Audetto.