À sa deuxième saison en Formule Atlantique, le Québécois Gilles Villeneuve a remporté sa première victoire sur le circuit de Gimli Motorsport Park au Manitoba noyé par des trombes d’eau.

Après avoir disputé une saison en Formule Ford en 1973, Villeneuve monte en Championnat Player’s CASC de Formule Atlantique en 1974 au sein d’Écurie Canada, mais il se fracture une jambe dans un accident survenu à Mosport. Une fois physiquement remis, il termine la saison, mais sans grands résultats.

Avec des moyens financiers très limités, il dispute une deuxième saison en Atlantique avec sa propre équipe, c’est-à-dire lui et son épouse Joann. Peter Hill, le directeur de la compétition chez Skiroule, son employeur en courses de motoneiges, lui alloue un petit budget. Gilles a vendu sa maison et son pick-up tracte sa roulotte et sa monoplace.

Villeneuve termine cinquième à Westwood en Colombie-Britannique puis se rend au Manitoba. Le circuit de Gimli est long de 2,33 km, comporte 10 virages et sa ligne droite est l’ancienne piste d’atterrissage et de décollage de l’autodrome militaire de Gimli, désormais inutilisé.

Le Torontois Bill Brack installe sa Chevron B29 en pole position, ayant battu Tom Klausler (Lola T360), Bertil Roos (March 75B), le Mexicain Hector Rebaque (Chevron, et qui courra en F1 comme Villeneuve) et Elliott Forbes-Robinson (Lola T360), Villeneuve est un lointain 19e aux commandes de sa March 75B verte Skiroule, à 1”2 de Brack.

Le 22 juin 1975, il pleut sur Gimli. En réalité, c’est un déluge ! La piste est couverte par des centimètres d’eau et les pneus pluie ont bien du mal à être efficace.

Le départ est donné et tout de suite une voiture sort complètement du peloton ; probablement un compétiteur qui s’est méfié des conditions et du manque de visibilité, et qui en a profité pour rouler hors-piste pour éviter tout contact. Bill Brack, qui a démarré premier, bénéficie d’une visibilité parfaite et mène le peloton. Derrière lui, tout est gris. Les pneus soulèvent un mur d’eau qui demeure en suspens. De plus, à cause de l’humidité, la visière des casques de plusieurs pilotes embue et le décor devient encore plus gris !

Les tête-à-queue sont trop nombreux pour être tous répertoriés. Rebaque effectue une pirouette et perd plusieurs places. Heureusement, le circuit est très plat et offre beaucoup de dégagement et à peu près rien à percuter.

Gilles Villeneuve évite les pièges

Bobby Rahal, sur une Lola T360, double Brack, mais ce dernier parvient à repasser devant jusqu’à ce qu’il commette une erreur et effectue un tête-à-queue qui permet à Rahal et Forbes-Robinson de le doubler. Roos exécute aussi une pirouette et abandonne. “EFR”, Forbes-Robinson, abandonne lui-aussi après avoir endommagé le museau de sa monoplace.

Pendant ce temps, Villeneuve réalise un sans-faute. Habitué de rouler au radar en motoneige, il double ses rivaux les uns après les autres pour occuper la deuxième position derrière Rahal. Ce dernier se fait piéger et part en glissade, ce qui permet à Villeneuve de le doubler et de prendre la commande de la course.

Au bout des 75 tours de piste (ou de la piscine !), la March 75B-Ford BDA de Gilles Villeneuve franchit l’arrivée en première place devant la Lola de Rahal, la March 73/75B de Price Cobb et la Chevron de Brack qui accuse un tour de retard.

Après la course, Villeneuve révèle qu’il a placé du ruban gommé (du duct tape) sur sa cagoule anti-feu afin d’éviter que sa respiration embue la visière de son casque. C’est un truc qu’il a appris en courses de motoneiges et qui lui a procuré un net avantage aujourd’hui dans le déluge.

Avec cette victoire, Villeneuve remonte en troisième place au classement des pilotes de la série. Gimli sera sa seule victoire de la saison. Villeneuve terminera sa saison 1975 en cinquième position au classement général avec, en plus de sa victoire, une deuxième et deux quatrièmes places.